Sylvia
Sylvia, violée en 2004, est la première victime d’un homme arrêté en 2010 pour le viol et le meurtre de Natacha Mougel.
Sylvia a été agressée et violée sous la contrainte d’un couteau, alors qu’elle faisait son jogging. Elle est passée à deux doigts de la mort et n’a dû sa survie qu’à un sang-froid exceptionnel.
Son agresseur, Alain Pénin, a été condamné en 2006 par la cour d’assises des Hauts de seine à 10 ans de prison ferme. Mais après 4 ans et demi passés derrière les barreaux, la Justice a décidé de le libérer, malgré les alertes répétées de Sylvia sur la dangerosité de son agresseur. Moins d’un an après sa libération, il a été arrêté pour le viol et le meurtre de Natacha Mougel qui faisait elle aussi un jogging à Marc en Baroeul où elle habitait.
Sylvia, pouvez-vous nous rappeler brièvement les faits ?
C’était le jour de l’ascension en 2004, ma mère qui avait l’habitude de courir m’a proposé de l’accompagner ce jour-là. Bien que je ne suis pas une grande adepte du jogging, je suis venue avec elle et son compagnon au parc du Mont valérien car il faisait très beau.
Nous courions sur le chemin du parc et ma mère et son compagnon qui avaient un peu plus d’endurance que moi avaient pris un peu d’avance. Alors que j’avais ralenti ma course, je remarque dans un virage un homme gros et imposant accoudé à la rambarde et vêtu étrangement de vêtements d’hiver alors qu’il faisait très chaud cet après-midi-là. Mon intuition me disait de faire demi-tour ce que malheureusement je n’ai pas fait. Arrivée à sa hauteur, il s’est jeté sur moi et a tenté de m’étrangler. Il m’a soulevé et renversé au-dessus de la balustrade pour me jeter en contrebas de la colline. J’ai fait alors une chute de plusieurs mètres, l’équivalent de 2 étages d’un immeuble. C’est là qu’il m’a violé sous la contrainte d’un couteau. Il avait également un tournevis en sa possession.
Pensez-vous qu’il avait aussi l’intention de vous tuer ?
Oui, et je l’ai immédiatement pensé. Tout était prémédité : il n’avait pas choisi de se positionner dans ce virage par hasard, il avait un champ de vision parfait, il voyait les personnes qui arrivaient et qui repartaient du chemin. Il avait attendu que ma mère et son compagnon soient suffisamment éloignés pour se jeter sur moi.
Je savais que si je protestais ou si je criais, il me tuerait, je l’ai senti tout de suite. La seule solution pour survivre était donc de l’amadouer pour le déstabiliser dans ses plans et gagner ainsi du temps afin que ma mère ou quelqu’un d’autre puisse avoir la possibilité de me retrouver.
Vous avez fait semblant d’être son amie, pour sauver votre vie…
Oui, j’ai d’une certaine façon négocié ma vie en le manipulant psychologiquement.
Comment vous a-t-on retrouvé ?
On ne m’a pas retrouvé. Je m’en suis sortie seule car j’avais établi une forme de dialogue avec lui pendant 2 heures en lui parlant (entre 2 actes) et en le questionnant sur sa vie. Je lui ai demandé d’aller nettoyer mes brûlures, conséquences de ma chute. C’est là que nous avons croisé ma mère et des policiers, qui avaient été prévenus de ma disparition.
Comment qualifieriez-vous votre agresseur ?
De prédateur sexuel, particulièrement dangereux et profondément incurable. Quand il sortira de prison, il recommencera à nouveau, il n’y a rien à faire et j’en suis totalement persuadée. J’ai toujours clamé aux juges qu’il était très dangereux et qu’il récidiverait, cette fois-ci en tuant sa victime. C’est ce qu’il a fait puisqu’il est aujourd’hui détenu pour le viol et le meurtre de Natacha Mougel. D’ailleurs, je suis convaincue que je n’étais pas sa première victime. Il était trop bien préparé pour que ce soit le cas.
Etiez-vous satisfaite du verdict et du déroulement du procès ?
Au moment du verdict, j’étais relativement satisfaite puisqu’il avait écopé de 10 ans ferme et que tout le monde me disait, y compris mon avocat, que c’était très bien car c’était le maximum qu’il pouvait encourir.
Aujourd’hui, quel est votre sentiment par rapport à la Justice ?
Je suis révoltée du peu de considération que le système judiciaire a pour les victimes et de la solitude à laquelle nous devons faire face après les événements. Je ne me plains pas de la façon dont s’est déroulé le procès ; on m’a écouté et considéré. Mais c’est après que je suis devenue vraiment indignée contre la Justice.
Premièrement, pendant l’incarcération de mon agresseur, celui-ci a bénéficié de nombreuses permissions de sortie le week-end pour chercher du travail en vue de sa future réinsertion.Ensuite, au bout de 4 ans et demi, à mon grand étonnement, je reçois un courrier m’indiquant qu’il allait sortir de prison en liberté conditionnelle. Il avait été pourtant condamné à 10 ans de prison ferme mais au bout de 4 ans et demi il pouvait donc être libre. Sous quel motif ? Aucun, la libération conditionnelle est devenue le principe et non plus l’exception. Comment voulez-vous que les victimes comprennent cela alors qu’elles doivent toute leur vie s’en sortir seule et sans aide? Pourquoi y a-t-il un décalage considérable et inacceptable entre la peine prononcée et la peine exécutée ? Ceci est profondément injuste et inacceptable.
Vous avez le sentiment qu’on se préoccupe davantage de l’avenir du criminel que de celui de la victime ?
Totalement. On ne se pose jamais la question de la « réinsertion des victimes dans la vie de tous les jours » de leur réadaptation à la vie active, de leur capacité à pouvoir prendre ou non les transports sans paniquer, à réapprendre à manger et à dormir normalement…..Non bien évidemment, une fois le procès passé, vous vous débrouillez seule, cela devient votre problème.
Qu’est-ce qui vous a le plus indigné dans cette affaire ?
Alors qu’il allait sortir en liberté conditionnelle, la juge d’application des peines m’a demandé par courrier si j’avais des observations à faire. J’étais persuadée qu’on prendrait véritablement en compte mon avis. J’ai expliqué à la conseillère de réinsertion et de probation qu’il était très dangereux, que c’était trop tôt pour qu’il sorte et qu’il allait récidiver mais en tuant cette fois-ci. On n’a bien sûr pas suivi mes recommandations me faisant par la même occasion perdre mon temps. Je l’avais pourtant vu en action, et je lui ai plus parlé que n’importe quel psychiatre.
Malheureusement, les faits m’ont donné raison, un an après Natacha était assassinée. J’en veux à la Justice de ne pas avoir protégé et épargné Natacha et donc de ne pas avoir évité une nouvelle victime. C’est pourtant le rôle premier de la Justice de protéger les citoyens.
Qu’attendez-vous aujourd’hui de la Justice ?
Pour mon cas, je n’attends rien. Par contre, je souhaiterais que le système change et soit réformé en profondeur pour les futures victimes.
Tout d’abord, une peine prononcée doit être entièrement exécutée. Les remises de peine automatiques ne devraient pas exister sinon à quoi cela sert de prononcer une peine ? Les remises de peine sont incompréhensibles pour les victimes, inutiles pour la société et contre-productives pour la soi-disant réinsertion du détenu.
J’aimerais qu’on cesse de jouer sur les mots et que par exemple perpétuité soit une réelle perpétuité et non 22 ans de prison comme c’est le cas aujourd’hui. C’est prendre les gens pour des imbéciles !
Concernant l’indemnisation de la victime par son agresseur, l’Etat devrait avancer l’argent à la victime et ensuite récupérer l’argent auprès de l’agresseur car c’est une véritable souffrance pour les victimes que de recevoir un virement au nom de leur agresseur ou au nom de la prison dans laquelle il purge sa peine.
Enfin, il devrait exister une prise en charge administrative et médicale totale de la victime tout le long de sa vie. Pour ma part, depuis cette agression j’ai besoin de consulter régulièrement un ostéopathe et un psychiatre et tout cela se fait à mes frais. Je trouve cela profondément injuste que mon agresseur soit suivi par un psychiatre en prison aux frais du contribuable français, tandis que moi, je dois assumer financièrement les conséquences de cette agression.
Le témoignage de Sylvia
Le combat de l’Institut pour la Justice
L’application réelle des peines prononcées
1000 000 peines de prison ferme sont en attente d’exécution chaque année ! Il faut supprimer les remises de peine automatiques et créer 30 000 places de prison.
Réformer en profondeur les expertises psychiatriques en France
Pouvoir déterminer le niveau de dangerosité d’un criminel est très précieux pour lutter contre la récidive. Les conséquences d’un tel diagnostic sont d’ailleurs déterminantes : la dangerosité présumée de l’accusé influe sur la nature et la durée de la peine à laquelle il peut être condamné, ainsi que sur ses chances de libération anticipée. L’évaluation du risque de récidive en France repose le plus souvent sur des critères flous et peu prédictifs (comportement en détention, expression de regrets) plutôt que sur des critères objectifs et fiables.
L’Institut pour la Justice et ses experts associés, experts judiciaires et psychiatres, demandent la généralisation de l’utilisation des « échelles actuarielles », outils objectifs d’évaluation recommandés par l’Académie de Médecine et utilisés par nos voisins européens.
Dr Alexandre Baratta, psychiatre et expert auprès de l’IPJ démontre l’efficacité des échelles actuarielles :
Remettre en question le « dogme » de la libération conditionnelle
La libération conditionnelle est aujourd’hui la règle, y compris pour les criminels sexuels ou meurtriers, alors qu’elle devrait être l’exception, justifiée par de réelles garanties de réinsertion.
L’Institut pour la Justice demande que les peines prononcées soient réellement appliquées. Pour éviter toute « sortie sèche », des mesures de suivi et de surveillance (bracelet électronique…) doivent être imposées aux criminels particulièrement dangereux à l’issue de leur peine et les crédits de réduction de peine automatiques, supprimés pour permettre de préparer ces sorties sans dénaturer les peines.