Tribune

Attaque de Villeurbanne: Justice et psychiatrie, l’équation impossible?

Le mobile de l’attaque au couteau commise à Villeurbanne par un réfugié afghan reste peu clair. Tout en restant prudent en l’absence d’éléments définitifs, l’avocat Guillaume Jeanson souligne des lacunes dans l’articulation entre l’expertise psychiatrique et la justice.

Publication
3 septembre 2019
Durée de lecture
2 minutes
Média
FigaroVox

Extrait de la tribune de Me Guillaume Jeanson dans le FigaroVox

FIGAROVOX.- Comment expliquer que l’on connaisse si mal le profil de l’attaquant présumé de Villeurbanne? Quelles sont les procédures à suivre pour obtenir un titre de séjour en France?

Guillaume JEANSON.- Lorsqu’une personne demande l’asile, il arrive souvent qu’elle ne possède pas d’actes d’état civil. Soit parce qu’aucun acte ne lui a été dressé dans son État d’origine, soit parce qu’elle ne peut en réclamer une expédition aux services d’état civil de cet État. Son dossier est de toute façon examiné par un officier de protection instructeur de l’Office français de protection des réfugiés et des apatrides (Ofpra) qui s’évertue à tenir compte de son récit écrit, de ses déclarations orales et de toutes les pièces jointes au dossier et autres informations dont il dispose concernant la situation de son pays d’origine. Cet officier de protection relève de l’une des trois divisions géographiques précises (Afrique, Asie-Amérique, Europe-Moyen-Orient) et est placé sous la responsabilité d’un chef de section.

Même en améliorant le dispositif de contrôle, il reste un facteur de risque : le faible taux d’exécution des mesures d’éloignement.

Le travail de vérification repose donc sur une spécialisation géographique des enquêteurs qui sont censés recevoir à cet égard une formation approfondie. L’officier peut également saisir la division de l’information, de la documentation et des recherches pour vérifier la situation dans le pays d’origine du demandeur ou encore la division des affaires juridiques, européennes et internationales en vue d’une consultation sur une question de droit. Ce processus de vérifications est bien sûr long, fastidieux et n’offrira jamais, compte tenu de la matière humaine sur laquelle il porte, la fiabilité glacée d’un algorithme imaginaire. Pourtant, à l’issue, ses conséquences sont très importantes. En effet, l’Ofpra reconstitue ensuite les documents d’état civil pour le réfugié (ou le bénéficiaire de la protection subsidiaire comme ici) pour les évènements antérieurs à la reconnaissance du statut, car il a compétence générale pour établir des certificats attestant ces faits avec la valeur d’actes authentiques.

N’y a-t-il aucun moyen de mieux contrôler, sinon l’identité exacte, au moins le profil psychologique des candidats à l’immigration?

L’Ofpra peut certes demander que la personne sollicitant l’asile se soumette à un examen médical. Mais si cette personne refuse l’examen médical, l’office ne peut pas en principe refuser d’instruire quand même sa demande. L’examen du passé judiciaire du demandeur constitue un élément important. Si l’officier de protection a connaissance de condamnations, l’Office peut solliciter un extrait du casier judiciaire auprès du ministère de la Justice et, en cas de condamnation, une copie de la décision auprès de la juridiction qui l’a rendue. Il est en outre possible de diligenter une enquête administrative de sécurité. Le ministère de l’Intérieur peut en effet être saisi afin de vérifier que l’activité ou la présence de l’intéressé sur le territoire ne constitue pas une menace grave pour l’ordre public, la sécurité publique, la société ou la sûreté de l’État. Mais ici, il semble qu’il n’y ait eu aucun antécédent.

En améliorant le dispositif de contrôle et en sélectionnant mieux les candidats, il restera quand même un facteur de risque important et hors de tout contrôle: le faible taux d’exécution des mesures d’éloignements. Car qu’adviendra-t-il en effet des candidats à l’immigration qui auront été refusés pour des motifs de sécurité publique? L’exposé des motifs d’une proposition de loi relevait il y a peu que sur les 92.076 mesures d’éloignement prononcées en 2016, seules 18 % ont été réellement exécutées. Ce qui signifie que, pour cette seule année 2016, 75.587 personnes se sont maintenues sur le territoire français malgré la mesure d’éloignement prononcée à leur encontre.

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