Extrait de la tribune de Me Guillaume Jeanson dans le FigaroVox :
Outre le fait que l’on peine à comprendre pourquoi nous ne devrions pas nous contenter de livrer ces futurs rapatriés au gouvernement syrien, une question gênante demeure: qu’a-t-on envisagé concrètement pour nous protéger des conséquences d’un tel rapatriement? Le ministre de l’Intérieur, Christophe Castaner, s’est voulu rassurant au micro de Jean-Jacques Bourdin en déclarant que «Tous ceux qui rentreront en France seront judiciarisés et confiés aux juges. Lorsque le juge estimera qu’il faudra les mettre en prison – et ce sera l’essentiel des cas – ils seront mis en prison.» Mais dans quelles conditions allons-nous pouvoir les accueillir? Nos prisons sont déjà surpeuplées. En 2018, le seuil des 70.000 détenus a été franchi pour la première fois. En 2019, l’administration pénitentiaire compte déjà 14.207 détenus en surnombre.» .
Si certains statisticiens ne s’offusqueraient peut-être pas d’une grosse centaine de détenus supplémentaire à l’échelle des variations de flux constatées mensuellement, ce serait toutefois une grave erreur de méconnaître la spécificité des profils de ces nouveaux arrivants. À l’heure où règne derrière les murs un trouble parfum de sédition et de radicalisation, une question insoluble se pose en effet pour ces derniers: faut-il les mêler aux autres détenus ou bien faut-il les isoler? Cette question déjà âprement débattue est complexe et lourde de conséquences. Certaines voix sont, à cet égard, catégoriques. Le psychiatre Daniel Zagury estime ainsi qu’«il faut absolument proscrire les regroupements, en milieu carcéral ou en centres dédiés.» Pour d’autres, c’est à l’inverse prendre le risque inconsidéré d’une contagion de l’islamisme en prison. D’autant que, comme a pu l’écrire Jean-François Gayraud, «la prison s’avère un efficace incubateur et accélérateur de l’hybridité.»
Car, toujours selon lui, elle mélange «des populations hétérogènes, bandits et islamistes-terroristes» et transforme de ce fait «des criminels en hybrides.» Pour les profils les plus endurcis, un consensus semble quand même se dégager. Daniel Zagury poursuit en effet en précisant que: «Les plus prosélytes, les plus engagés, les plus violents, les plus capables de masquage doivent être isolés. Pour eux, toute tentative de prise en charge apparaît a priori vaine, voire contre-productive, en tout cas pour ceux qui s’y risqueraient illusoirement.» Combien, parmi ces 130 rapatriés, devront être isolés? Et combien, parmi ceux qui le seront, continueront néanmoins à échanger avec les autres détenus? Car pour les en empêcher, encore faudrait-il que l’étanchéité entre les cellules et les différents quartiers soit véritablement assurée. Interrogée par Paule Gonzalès l’année dernière, Naima Rudloff, chef du service de l’action publique antiterroriste au parquet de Paris, avertissait en effet: «Quant à la contamination, nous voyons bien que, même à l’isolement, les détenus communiquent avec le reste de la détention.»