Extrait de la tribune de Me Guillaume Jeanson dans le FigaroVox :
«CRS = DAESH» Ce slogan tagué lors de la manifestation du 1er mai dernier tonne comme l’impertinent petit-fils du niaisement célèbre «CRS = SS». A chaque génération, son abjection. A chaque mouvement social, ses poètes de l’insurrection. Comparer les forces de sécurité intérieure aux suppôts de Daesh révulse. Surtout lorsque l’on sait leur tribut payé pour protéger les Français contre ces derniers. Ici, l’indécence n’est pas seulement aveugle. Elle est aussi sourde. Sourde à la souffrance indicible du jeune orphelin de Jean-Baptiste Salvaing et Jessica Schneider, ce couple de policiers massacrés à leur domicile de Magnanville le 13 juin 2016. Sourde à celle de la famille de Xavier Jugelé, cet autre policier tragiquement assassiné sur les Champs-Élysées le 20 avril 2017 et dont la plaque commémorative vient d’être ignoblement profanée de sigles anarchistes. Sourde aussi à celles des proches des autres victimes qui, au Carrousel du Louvre, sur le parvis de Notre Dame, à Orly, La Défense, Toulouse, Montrouge, Nice, Levallois, Joué les Tours et ailleurs ont été ciblées uniquement parce qu’elles revêtaient l’uniforme pour servir.
Oui, «CRS = DAESH» ne peut qu’«ajouter au malheur du monde». Car, en plus de «mal nommer les choses», cette minable comparaison foule également aux pieds de façon éhontée le souvenir d’Arnaud Beltrame, ce lieutenant-colonel de Gendarmerie qui, le 23 mars 2018, a donné sa vie pour sauver des otages de l’hypermarché de Trèbes. Un geste héroïque salué par les principaux dirigeants du monde. Par 200 villes qui ont choisi d’honorer sa mémoire en lui dédiant une place, un square ou une rue. Par la promotion sortante des élèves officiers de la Gendarmerie Nationale qui l’a choisi pour parrain… Pourquoi? Parce que, comme a pu l’écrire le Général Richard Lizurey, directeur général de la gendarmerie nationale, si «se mettre entre les mains d’un terroriste voulant tuer n’est évidemment dans aucun texte de procédure interne et ne le sera jamais», Arnaud Beltrame «n’a pas appliqué des procédures ; il a fait mieux: il a respecté son serment. Et ce faisant, il a sauvé une vie, sans doute même plusieurs». Et ce serment, quel est-il? «Celui de servir la population, y compris, parfois, s’il le faut, au péril de sa propre vie».
Comment une partie de la population en est-elle venue à haïr autant ceux qui ont prêté serment de les servir, au péril même de leur vie? Certes, Talleyrand le relevait déjà, «Dans les temps de révolution, on ne trouve d’habileté que dans la hardiesse et de grandeur que dans l’exagération». Derrière l’emphase et la démesure, quel crédit faut-il donc accorder à cet autre slogan péremptoire si fréquemment scandé: «tout le monde déteste la police»? Les chiffres de l’ONDRP révélés le mois dernier nous soufflent une première réponse. Si en 2014, 44% des Français se disaient satisfaits (et 2% très satisfaits) de l’action de la police et de la gendarmerie nationale, ils étaient 55% (et 5%) en 2017. Bien qu’une légère baisse ait été constatée en 2018 (les «satisfaits» passant à 53%), l’action des forces de sécurité intérieure, en hausse ces dernières années, semble malgré tout encore soutenue par une faible majorité de Français.