Opinion

Délinquance et insécurité: les Français voient-ils juste ou sont-ils aveuglés par les faits divers?

Le dernier sondage IFOP sur la délinquance vient de paraître. Près des trois quarts des Français estimeraient ainsi qu’elle augmente. La majorité d’entre eux semblent de surcroît insatisfaits des politiques de sécurité actuelles. Leur perception est-elle tronquée par l’omniprésence de la question, ou est-elle conforme au réel? Décryptage.

Publication
15 avril 2021
Durée de lecture
1 minute
Média
Sputnik

À écouter les Français, la délinquance n’en finirait pas d’augmenter. Cette année, ils seraient ainsi 71% à observer une hausse de l’insécurité, selon l’IFOP. Une inquiétude généralisée qui, selon Laurent Lemasson, docteur en droit public et responsable des publications de l’Institut pour la justice, reflète «correctement» la réalité:

«La sécurité est dans le top 5 des préoccupations des Français depuis bien longtemps et leur perception correspond évidemment à une réalité», avance-t-il avant de préciser: «L’insécurité n’est pas toujours visible dans les chiffres qui ne montrent qu’une partie du phénomène, celui-ci n’étant pas toujours quantifiable.»

A contrario, pour Véronique Le Goaziou, sociologue spécialisée dans les questions liées à la délinquance et chercheuse au CNRS, bien qu’existante, l’insécurité subit un effet de surexposition qui la rend omniprésente dans les esprits.

«Le discours ambiant donne souvent l’impression d’être dans un pays à feu et à sang. Il y a eu quelques événements traumatisants cette année, toutes les rivalités entre bandes, l’histoire de cette fille tuée par ses camarades de classe,… dès lors que ces histoires tournent en boucle, elles contribuent à l’aggravation ou à l’éclosion du sentiment d’insécurité, c’est assez classique», observe-t-elle.

Un avis identique à celui du garde des Sceaux, lequel affirmait en septembre: «L’insécurité, il faut la combattre, le sentiment d’insécurité, c’est plus difficile, car c’est de l’ordre du fantasme». Un sentiment nourri selon lui par «les difficultés économiques», «le Covid» et «certains médias» comme les «chaînes d’infos continues» La confiance en la justice entachée Le sondage pointe pourtant une réponse insuffisante des pouvoirs publics, qui serait même le cœur du problème de l’insécurité. Réalisée pour CNews et Sud Radio auprès d’un échantillon représentatif de 1.013 personnes, l’enquête s’intéresse en effet aux exigences des Français en matière de sécurité et de lutte contre la délinquance. … «La délinquance et le sentiment d’insécurité peuvent être décorrélés. Les statistiques dont on dispose peuvent mettre en évidence une délinquance qui n’augmente pas, mais, en raison d’un malaise, une explosion de la violence peut être ressentie. Et puis celle-ci a toujours eu un côté spectaculaire qui marque.»

Laurent Lemasson reconnaît, lui aussi, un écart entre les statistiques et le sentiment majoritaire des Français sur la question. En insistant toutefois sur l’incapacité des statistiques à refléter la réalité. Aussi, des faits pas si divers, aux incidences minimes dans les chiffres de la délinquance, nourrissent-ils selon lui durablement un sentiment d’insécurité parfaitement justifié, jusqu’à modifier les comportements de la population: «Il suffit d’un fait, le chauffeur de bus battu à mort à Bayonne pour avoir réclamé le port du masque à des jeunes par exemple, pour que les gens en déduisent qu’il vaut mieux ne pas s’exposer aux mêmes risques. Dans les faits, cela ne se verra pas, il y aura eu un seul mort, mais l’impact est réel». Ainsi, les Français en viennent-ils par exemple à adopter des <«procédures d’évitement» des zones dangereuses

«Trois choses nourrissent le sentiment d’insécurité», explique Laurent Lemasson: «Il y a d’abord tous ces non-respects des règles de la vie commune et qui marquent une perte de confiance chez les citoyens. Deuxièmement, les violences urbaines, dont on trouve des cas tous les jours dans les journaux, tout comme le fait d’être exposé à certaines « zones de non droit ». Enfin, la perception que les autorités ne répondent pas à cette demande de justice et de sécurité.»

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