Opinion

Djihadistes libérés de prison: quelle menace de récidive, quelles solutions pour l’État?

Alors que plus de quarante djihadistes ayant purgé leur peine seront libérés avant la fin de l’année 2020 Sputnik interroge Maître Guillaume Jeanson, porte-parole de l'IPJ, sur les dangers que représentent cette décision.

Publication
27 février 2020
Durée de lecture
2 minutes
Média
Sputnik

Condamnés entre 2014 et 2015, les djihadistes de l’État islamique* qui ont purgé leur peine en France commencent à sortir au compte-gouttes. En tout, ils seront une centaine d’ici la fin de l’année 2021. Comment la France peut-elle gérer cette menace? Nous avons interrogé l’avocat Guillaume Jeanson, porte-parole de l’Institut Pour la Justice (IPJ).

Sputnik France: Nicole Belloubet, Garde des Sceaux, l’a annoncé sur RTL: 43 djihadistes auront purgé leur peine en 2020, et une soixantaine en 2021. Le scénario est anxiogène, mais la menace est-elle si élevée en pratique?

Guillaume Jeanson: «Les chiffres du ministère de l’Intérieur communiqués ce mois-ci sont un peu plus précis que ceux avancés par Nicole Belloubet. Ils font état de 45 libérations prévues en 2020, de 57 en 2021 et 46 en 2022. Oui, ce scénario est anxiogène, et il inquiète des membres du parquet national antiterroriste et de la Direction Générale de la Sécurité Intérieure (DGSI).

Bien sûr, certains s’abriteront derrière les libérations n’ayant donné lieu à aucune récidive pour relativiser cette menace. David Thompson, prix Albert Londres 2017 pour son livre Les Revenants, a recoupé plusieurs témoignages qui devraient nous faire méditer. Un premier témoignage de détenu annonçait en effet: “ce qui est sûr, c’est que, de toutes les personnes qui vont sortir, sur les 300 qui sont incarcérées, plus des trois quarts vont partir en Syrie ou faire des trucs ici. Les gens qui vont se réinsérer, ce sera vraiment une poignée […]”. Nous pourrions nous rassurer en soulignant que le contexte géopolitique syrien a depuis évolué. Cependant, un second témoignage rapporté insistait également sur la menace de ceux qui ne sont même pas allés dans les zones de conflit: “j’en ai vu une dizaine quand même qui attendent juste de sortir de prison pour taper. Y en a pas énormément, mais parmi ces dix, y en a peut-être deux ou trois qui vont faire des actes de terrorisme.”

«45 libérations de djihadistes sont prévues en 2020, de 57 en 2021 et 46 en 2022. Oui, ce scénario est anxiogène.»

Plusieurs profils ont été libérés le mois dernier, notamment Flavien Moreau, un djihadiste “intéressé par la chimie des explosifs” et condamné à sept ans de prison en 2014 pour avoir rejoint Daech* sur zone. Ou encore Mohamed Achamlane, le leader de Forsane alizza, condamné en 2015 à neuf ans de prison pour association terroriste de malfaiteurs et détention d’armes. Il diffusait des vidéos de décapitations et des hommages à Ben Laden. Il détenait des kalachnikovs démilitarisées et une liste de cibles potentielles (des commerces juifs et des personnalités d’extrême droite).»

Sputnik France: vous le dites pourtant vous-mêmes, ces anciens détenus ne sont pas passés à l’acte…

Guillaume Jeanson: «La prudence commande de porter notre regard outre-Manche pour apprécier la réalité de la menace. Fin novembre, une attaque au couteau a fait deux morts sur le London Bridge, avant que l’assaillant porteur d’un gilet explosif factice ne soit abattu. L’auteur de ces actes, Usman Khan, était un ancien détenu de 28 ans incarcéré pour des faits de terrorisme et libéré à mi-peine. Il avait pour mémoire été condamné à 16 ans de prison pour un projet inspiré d’Al Qaida de création d’un camp d’entraînement au Pakistan et pour avoir projeté un attentat à la bombe contre la Bourse de Londres. Était-ce alors un cas isolé? Il semble hélas, que non. Au début du mois, une autre attaque au couteau a en effet fait trois blessés dans une rue commerçante du sud de Londres. Sudesh Amman, lui aussi abattu par la police, avait également été libéré à mi-peine. Il était pourtant détenu pour 13 délits “de nature islamiste”.»

Sputnik France: Alors, l’État a-t-il les moyens de traquer 200 djihadistes supplémentaires? 

Guillaume Jeanson: «Rien n’est moins sûr. Si les services de l’État sont loin d’avoir démérité ces dernières années, le drame qui a endeuillé à l’automne la préfecture de police de Paris nous rappelle que certains individus parviennent toujours à manœuvrer en dehors des écrans radars. Mickaël Harpon avait certes présenté des signes de radicalisation, mais ne présentait pas un profil terroriste. Or, sur ce type de profils, le risque de récidive est dénoncé par les praticiens du parquet antiterroriste comme étant justement très élevé.

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