Entre la dureté confinant à la brutalité assumée par le préfet de police de Paris Didier Lallement dans sa stratégie de maintien de l’ordre, et l’angélisme virant au laxisme dans la politique pénale mise en oeuvre par la ministre de la justice Nicole Belloubet, le gouvernement prend le risque de cumuler les colères… et de les faire basculer dans la rage.
Atlantico: Pensez-vous que la police française est devenue trop violente lors des manifestations ? Le préfet de police Didier Lallement devrait-il faire preuve de moins de fermeté ?
Guillaume Jeanson: Si vous faites référence à la dernière manifestation, certaines critiques semblent en effet le supposer. Vos collègues de Mediapart se seraient procurés plusieurs notes de la gendarmerie nationale et de CRS qui questionnent la légalité des ordres donnés par le préfet de police de Paris à l’occasion de la manifestation à laquelle vous faites référence. Seraient en effet évoqués « des emplois disproportionnés de la force », ce qui irait dans le sens de votre question, mais aussi, « Des pratiques contraires à la législation ainsi qu’à la réglementation ». Bien sûr, la préfecture de police de Paris a tenté de se justifier par un communiqué en arguant que les forces de l’ordre ont dû intervenir « ponctuellement au cours de la marche pour mettre fin à des dégradations et à des tentatives de départs en cortèges sauvages de quelques groupes de plusieurs centaines de personnes ». Un groupe de plusieurs centaines de manifestants aurait selon elle notamment refusé de respecter un appel à la dispersion et forcé un barrage. Malgré le soutien en apparence indéfectible que le préfet Lallement semble bénéficier du ministre de l’Intérieur Christophe Castaner, ce dernier a toutefois demandé un rapport à la préfecture de Police sur ce qui s’est passé en marge de cette marche. Celui qui, encore le 19 février dernier assurait qu’« Il n’y a pas de problème Lallement », pourrait être amené à réviser son jugement à l’aune des conclusions de ce rapport.
Vous vous interrogez sur le juste degré de fermeté. Je pense qu’il faut du pragmatisme et se garder de trop grandes généralités. Lors de leur gestion du mouvement des gilets jaunes, les forces de l’ordre ont en effet subi une double critique en un sens contradictoire : On leur a la fois reproché d’être brutaux et de laisser faire. L’Inspection générale de la police nationale aurait été saisie 313 fois pour des suspicions de violences policières et certaines vidéos amateurs, montrant des membres des forces de l’ordre brutalisant, apparemment sans nécessité, des manifestants, ont suscité de légitimes interrogations. A l’inverse, comme je vous le disais, il leur a aussi été reproché légitimement de ne pas réussir à prévenir suffisamment les violences et à contenir les troubles à l’ordre public : les tags sur l’Arc de Triomphe le 1er décembre 2018 ou le pillage des commerces sur les Champs-Élysées le 16 mars 2019 ont ainsi marqué durablement les esprits… Plus ou moins de fermeté ? Ce qu’il faut c’est une doctrine de l’emploi assurant un meilleur ciblage. On le voit, la réponse ne saurait donc être binaire.