Tribune

Justice des mineurs: «Éducation ne doit pas rimer avec impunité»

Après le meurtre d’un cuisinier par trois jeunes délinquants, en pleine réforme du droit pénal des mineurs, l’avocat Guillaume Jeanson estime qu’on ne peut miser uniquement sur des mesures éducatives sans risquer de favoriser une impunité déjà trop grande.

Publication
24 septembre 2019
Durée de lecture
1 minute
Média
FigaroVox

Extrait de la tribune de Me Guillaume Jeanson dans le FigaroVox

Le 10 septembre dernier, aux alentours de 7h30, un employé municipal a découvert, sous un panier de basket des jardins de l’Hôtel de ville de Rouen, le corps d’un homme nu et gravement mutilé. Un corps présentant, d’après les enquêteurs, un «sévère traumatisme à la face causé par des coups d’une rare violence», finalement identifié comme étant celui d’Olivier Quenault, un cuisinier calme et tranquille de 47 ans, féru de fléchettes. Un homme décrit comme «très sociable», «allant vers les autres», «s’entendant bien avec tout le monde», «toujours posé», «le dernier à chercher les problèmes et la bagarre».

On apprend également que la nuit du meurtre, cette bande avait d’abord agressé un couple, puis avait racketté un homme.

Qu’a-t-il bien pu se passer? Les premiers éléments d’enquête révèlent qu’Olivier Quenault a vraisemblablement été massacré pour quelques euros ou une cigarette. Certains s’interrogent aussi sur le fait de savoir comment il a pu être attiré dans ce parc alors que ce n’était pas son chemin. Mais pourquoi un meurtre? Parce qu’il aurait croisé la «bande Orange mécanique». Comme si cette autre réponse pouvait suffire… Une bande d’adolescents de quinze à dix-sept ans, baptisée ainsi par les policiers rouennais pour son ultra-violence, et qui sévit dans le centre-ville depuis… disons au moins le début de l’été. Devant les journalistes et les enquêteurs, les langues peu à peu se délient: «Ils traînaient là depuis le 15 août, confie un serveur. Ils agressaient des gens pour une cigarette ou une part de pizza! Cet été, ils ont tabassé un gars pour lui voler sa trottinette…». On apprend également que la nuit du meurtre, cette bande avait d’abord agressé un couple près de la cathédrale, puis avait racketté un homme «salement amoché par les coups». On apprend enfin que le mineur de dix-sept ans, déjà connu de la justice, avait également violemment frappé, avec l’aide de deux autres mineurs, un couple, le soir de la fête de la musique.

La suite qui avait alors été réservée à cette dernière agression est proprement ubuesque: «arrêtés en flagrant délit (…) ils ont été placés en garde à vue. Mais ils ont été remis dehors sur décision du magistrat de permanence…» Sans confrontation. «C’est d’autant plus surprenant que deux autres faits de violences, commis avec le même mode opératoire durant cette même nuit, pourraient aussi être imputés à ces trois jeunes gens (…) le mineur en question et les autres sont ressortis du commissariat avec un sentiment de totale impunité». Le journal Le Parisien révèle toutefois que bien que «classé sans suite», ce dernier dossier aurait toutefois été «finalement confié à la police judiciaire de Rouen à la lumière des derniers événements». Si l’on peut s’en réjouir pour le couple de la fête de la musique, il est hélas désormais bien trop tard pour Olivier Quenault. Et, à l’aune de ce traitement affligeant, d’aucuns s’interrogent même légitimement sur le fait de savoir si ce meurtre effroyable aurait pu être évité: «S’il y avait eu des poursuites pénales, peut-être qu’ils auraient déjà été condamnés, peut-être qu’ils seraient convoqués prochainement, peut-être que des mesures coercitives ou des mesures éducatives leur auraient été imposées (…) lorsqu’il n’y a pas de limites posées, tout est permis dans la tête de certains. Même le pire, et le pire est arrivé…».

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