Les promesses du candidat Macron
Au printemps dernier, Emmanuel Macron, alors candidat à la présidence de la République, promettait « Un État qui protège » et la « tolérance zéro lorsqu’il s’agit de sécurité ». À cette fin, il annonçait notamment la construction de 15 000 nouvelles places de prison.
Lors du débat de l’entre-deux tours du 3 mai 2017, celui donné largement pour favori, expliquait : « Je veux que notre justice soit intraitable » annonçant « C’est pour cela qu’avec moi toute peine prononcée sera exécutée et je reviendrai sur la loi qui a fait que pour toutes les peines de moins de 2 ans il n’y a pas d’exécution de peine. » Marine le Pen lui demandait alors : « Vous reviendrez sur la loi Taubira… » ; lui, rétorquait « J’y reviendrai totalement, c’est dans mon programme ». La candidate du Front National l’interrogeait encore « Madame Taubira avait tort ? » ce à quoi il répondait « Mais bien évidemment ».
Cet échange, que beaucoup auront certainement oublié, est intéressant à plus d’un titre. Il souligne d’abord la connaissance très approximative qu’avaient les deux candidats de la problématique discutée : la règle suivant laquelle une peine d’emprisonnement ferme inférieure ou égale à une durée de deux ans doit être immédiatement aménagée après son prononcé -en l’absence de mandat de dépôt- date en effet de la loi Dati votée en 2009. Elle n’est pas imputable à la réforme pénale de Christiane Taubira. Une réforme concrétisée, pour mémoire, par la loi du 15 août 2014 et qui instituait notamment la contrainte pénale. La confusion tient peut-être au fait que cette dernière loi était mue, il est vrai, par un objectif comparable : celui de réduire le nombre de détenus. Cet échange souligne ensuite la volonté de rompre avec les excès d’une politique pénale minée par une idéologie farouchement anti-carcérale et à l‘efficacité douteuse.
Les annonces du président Macron
Les promesses du candidat sont devenues, pour certaines d’entre elles du moins, des annonces de président. Le discours de politique générale du Premier ministre et les interviews données dans les médias par la nouvelle garde des Sceaux ont ainsi réaffirmé l’engagement de construire 15 000 places de prison ; le ministre de l’Intérieur, tout à son projet de mise en place d’une nouvelle forme de police de proximité dite « de sécurité du quotidien », a confirmé l’effort annoncé, malgré les coupes annoncées cet été, 526 millions pour le seul ministère de l’Intérieur, sur les budgets 2018 à 2020 pour tenir l’engagement de créer 10 000 postes supplémentaires de policiers et de gendarmes ; et, le budget de la justice, bien que sabré cet été de 180 millions pour 2017, devrait finalement bénéficier pour 2018 d’une hausse bienvenue de 3,8%.
Ces annonces répondent à un besoin exprimé par un nombre toujours grandissant de citoyens désespérés de voir la situation se dégrader au fil des dernières décennies : prisons explosives, zones de non-droit, justice paupérisée et incapable d’endiguer la montée d’une délinquance violente… Elles doivent donc à présent urgemment se traduire en actes.
Les 100 jours et le piège de la communication politique
Or, justement, au terme de ces 100 premiers jours de règne, le bilan apparaît bien maigre. Avec le texte laborieux sur « la moralisation de la vie politique », promulgué le 15 septembre 2017 a dû, pour être mené à bout, changer tant d’intitulé, que de garde des Sceaux pour le soutenir ; avec la nouvelle loi anti-terroriste à l’étude, destinée à nous faire sortir de l’état d’urgence, l’exécutif se disperse et sacrifie sur l’autel de la communication politique les dossiers les plus brûlants qui rongent pourtant le fonctionnement quotidien de notre justice.
Une loi de programmation pour 2018
Certes, Édouard Philippe dans son discours de politique générale a annoncé qu’une loi de programmation des moyens de la justice serait présentée en 2018.
Espérons qu’elle saura pallier les carences honteuses dénoncées encore le 4 juillet dernier par la publication d’un « livre noire du ministère public ». La conférence nationale des procureurs de la République y révélait notamment à cette occasion que des affaires d’agressions sexuelles et de viols étaient classées, faute de disponibilité d’enquêteurs judiciaires.
Espérons également qu’elle n’oubliera pas le volet pénitentiaire. Cet été, ce sont près de 480 incidents en détention qui ont été signalés : onze évasions, une tentative d’assassinat de surveillant, des agressions de surveillants à l’huile bouillante, à coup de lames de rasoir etc… deux prises d’otages, une dizaine de décès, la découverte au parloir de cartouches de fusil d’assaut, et plusieurs livraisons par drones…
De l’urgence d’agir
Devant la gravité de la situation, on ne saurait en effet attendre plus longtemps. Il faut agir. Et le faire de toute urgence. Construire des places de prison en nombre suffisant. Diversifier les établissements. Faire du temps de détention un temps utile tourné vers le travail et la lutte contre les addictions. Il faut aussi améliorer le suivi en milieu ouvert. Revoir l’échelle des peines. Veiller à limiter les réponses pénales symboliques (tels que les rappels à la loi, admonestation, remise à parents, sursis simple etc…) afin d’introduire, dès en amont, une dissuasion efficace détournant d’une dégringolade qui s’achève en prison.
Certaines de ces mesures impliquent l’octroi de moyens suffisants, d’autres requièrent surtout un volontarisme politique capable de rétablir l’ordre véritable des priorités pour restaurer la justice et la sécurité.