Extrait de l’entretien de Me Guillaume Jeanson dans Sputnik
«Il voulait tuer», a déclaré le militaire. Le 4 février 2015, trois militaires français du 54e régiment d’artillerie montaient la garde devant une synagogue à Nice, moins d’un moins après les attaques de Charlie Hebdo et de l’hypercacher. Les caméras de vidéosurveillance n’ont rien manqué: Coulibaly marchait, passant trois fois devant les militaires, un sac plastique dans la main droite, l’autre dans la poche de son manteau. Il lâcha son sac pour faire diversion, l’un soldat se baissa naturellement pour le ramasser. Le terroriste brandit alors un couteau de 40 cm de sa poche, lui portant un coup violent.
Heureusement, le soldat parvint à parer le coup de son bras. Les deux autres militaires se précipitèrent. L’un sera blessé au visage, mais le troisième parvint, d’une balayette, à projeter Coulibaly au sol puis à le maîtriser. Luttant encore, frappant, il tenta de saisir le Famas du soldat. Durant la fouille, les militaires trouveront un second couteau attaché au mollet de Coulibaly. Hervé K., le troisième soldat, témoigna au procès le 10 décembre dernier: les yeux rouges, en larmes, le terroriste «se débattait, il regrettait de ne pas avoir fini son affaire. S’il avait pu, il l’aurait fait».
La détermination des fanatiques
Moussa Coulibaly venait d’être refoulé de Turquie, à la demande de la DGSI. Déjà repéré pour prosélytisme, il n’avait pris qu’un billet aller et, une fois gardé à vue à son retour, il s’était revendiqué «combattant d’Allah», exprimant sa haine de la France et des militaires. Mais les informations étaient encore insuffisantes pour judiciariser son dossier. Évidemment, la Cour d’assises spéciale de Paris en avait assez sous le coude après l’attaque. Suivant les réquisitions de l’avocat général, les magistrats l’ont reconnu coupable de tentatives d’assassinat et d’association de malfaiteurs terroriste pour avoir tenté de rejoindre Daech* via la Turquie. Remarquant une «dangerosité qui n’a visiblement pas été atténuée par les dernières années passées en prison», et le manque d’empathie manifeste lors du procès, il a été condamné à 30 ans de réclusion criminelle.
Soit autant que pour le djihadiste Mickaël Dos Santos, jugé trois jours plus tard par la même Cour d’assises spéciale de Paris. Lui, par contumace, ayant sans doute été tué en Syrie en 2016. Connu comme l’un des bourreaux de Daech*, on le retrouve sur des photos, posant au côté de têtes tranchées brandies comme des trophées.
10 ans seulement pour des abominations commises en Syrie
La justice française aurait-elle adopté une fermeté exemplaire? En réalité, la jurisprudence apparaît beaucoup plus aléatoire. Le 29 novembre, le poseur de bombes Lahcen Zligui a été condamné à 12 ans, alors que le parquet avait requis 18 ans avec période de sûreté. Le 4 décembre, Chemsedine Dinar, combattant de l’EI et membre de sa police religieuse, a écopé de 11 ans de réclusion criminelle sans période de sûreté, alors que le Parquet requérait 17 ans. Le 6 décembre, Mounir Quenoum et Rodrigue Diawara, deux Toulousains de 22 et 23 ans partis rejoindre Jabhat-Al-Nosra* puis l’EI, ont vu leur peine réduite à 10 ans en appel, contre 15 ans précédemment. Les magistrats relèvent la coopération durant l’enquête ou des regrets estimés «sincères», comme des circonstances atténuantes. Ce qui inquiète l’avocat Guillaume Jeanson, porte-parole de l’Institut Pour la Justice:
«Ils pourraient être libérés d’ici 4 à 5 ans. Un tarif étonnamment léger pour avoir combattu dans les rangs d’une organisation accusée par l’Onu d’avoir commis des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité.»
Si Guillaume Jeanson avait noté un durcissement des verdicts après 2015/16 et la vague des attentats ayant touché la France, plus récentes les condamnations, trop légères, doivent être prises en compte. Alors, laxiste, la justice française?