Extrait de l’entretien avec Me Guillaume Jeanson :
Guillaume Jeanson : Il est difficile d’en faire un véritable bilan car jusqu’à très récemment régnait en la matière une importante opacité. Avant d’esquisser les grandes lignes de ce que l’on sait, il faut tout de même rappeler que l’expression de « violences policières » est large et floue. Même si toute violence est évidemment regrettable, il faut quand même tenter de circonscrire un peu le sujet pour savoir de quoi on parle. Car l’expression de « violences policières » ne correspond pas nécessairement à celle de bavure. Elle ne dit rien en effet de sa force, ni de ses moyens. On regroupe ainsi souvent sous cette expression des actes d’abus policiers aussi différents que l’abus de surveillance, l’arrestation frauduleuse, l’intimidation, la répression politique ou même l’abus sexuel…L’expression de « violences policières » ne dit rien non plus de sa nécessité ou de sa légitimité. Or c’est pourtant là, des aspects essentiels. Faut-il seulement évoquer Max Weber et son excessivement célèbre définition sociologique de l’Etat dans le Savant le Politique, « monopole de la violence physique légitime » ? Cette légitimité tiendra évidemment au respect de la légalité, de la déontologie (notamment dans le cadre du code de déontologie de la police nationale et de la gendarmerie nationale adopté par un décret du 18 mars 1986 pour la police et étendu en 2014 à la gendarmerie) et aux finalités poursuivies.Non moins essentielle,sera enfin la question de la proportionnalité. En juillet 2017, l’Assemblée générale de l’ONU a,de son côté,adopté un rapport qui définit les quatre grands principes juridiques régissant l’usage de la force. Ils s’articulent autour des mots suivants : légitimité, nécessité, proportionnalité et précaution.
Bien sûr il arrive que cette violence puisse être jugée nécessaire et donc légitime par le pouvoir en place alors qu’elle sera contestée et jugée illégitime par ses opposants. Le gouvernement français a d’ailleurs été interpellé en février 2017 par six experts mandatés par le Haut Commissariat des Nations Unies aux Droits de l’Homme pour « usage excessif de la force par la police » dans plusieurs affaires. Pour se défendre la France avait alors promis davantage de transparence et livré des chiffres et des statistiques. Précisons qu’un premier effort avait déjà été fait puisque, depuis 2013, les particuliers peuvent « directement » signaler des « manquements déontologiques » des fonctionnaires de police auprès de l’IGPN (inspection générale de la police nationale), et desmilitaires de la gendarmerie auprès de l’IGGN (inspection générale de la gendarmerie nationale). Cette mise en cause avait en tout cas permis de révéler qu’en 2015, l’IGPN a enregistré 2.491 signalements, dont 13,8 % concernaient des « attitudes irrespectueuses ressenties lors d’actions sur la voie publique ou de l’accueil du public » et 12,1% étaient « relatifs à des actes de violence à l’occasion d’actions de police au cours desquelles des mesures de contrainte ont été appliquées ». Cette même année, « 2.113 sanctions disciplinaires ont été prononcées à l’égard de fonctionnaires de police, dont 47 concernaient des mesures de radiation des cadres (révocation, mise à la retraite d’office, radiation, exclusion définitive) ». Dans le même temps, l’IGGN a reçu 1.097 réclamations en 2015, contre 699 en 2014. Mais « Seuls 29 signalements concernaient des faits allégués de ‘violences’ au sens propre du terme. Et 13 sanctions disciplinaires ont été prononcés pour des « violences illégitimes ». En rappelant ces chiffres, le gouvernement avait tout de même pris le soin de préciser qu’il convenait de les « rapprocher » des quatre millions d’interventions de police réalisées chaque année.