LE FIGARO. – Un homme, agressé lors des fêtes de Bayonne, est mort le 3 août après avoir passé neuf jours dans le coma. Pour Pierre-Marie Sève, directeur de l’Institut pour la Justice, la généralisation des violences lors des rassemblements publics est la suite logique de l’ensauvagement de la société.
Pierre-Marie SÈVE. – Avoir demandé à un groupe de jeunes de ne pas uriner sur la porte de son immeuble, voilà le seul tort qu’aura eu Patrice Lanies, un résident de Bayonne de 46 ans. En effet, cette demande anodine de civilité lui aura coûté la vie, comme l’a annoncé le parquet de Bayonne ce vendredi 4 août, après plusieurs jours de coma artificiel. Cette agression mortelle, «gratuite», selon le communiqué de la police nationale, et inhabituelle pour ces fêtes, est un traumatisme pour les Bayonnais, alors qu’un rassemblement était prévu ce vendredi 4 août, en hommage à Patrice.
Ce rassemblement contre la violence dépassera cependant le seul décès tragique de Patrice Lanies. Ce drame constitue en effet le point d’orgue d’une violence et d’une insécurité particulièrement intenses lors de cette édition des fêtes de Bayonne. Ainsi, selon Franceinfo, le nombre de plaintes reçues par la police a doublé en 2023 par rapport à l’année dernière, pour un total de près d’un millier. Parmi ces plaintes, quatre affaires de viols ont été rapportées à la police, un chiffre inédit, qui rend le fameux «ensauvagement», décrit par le ministre de l’Intérieur, bien palpable.
“C’est le 14 juillet, jour de fête nationale, qui semble prendre le relais dans la funeste tradition des voitures brûlées, alors que l’édition 2023 a fait l’objet d’une sécurisation exceptionnelle et inacceptable dans une démocratie moderne.”
Pierre-Marie Sève
Mais cette nouvelle donne lors des fêtes de Bayonne est loin d’être un phénomène propre à la fameuse fête basque. Elle s’inscrit en effet dans un mouvement plus large et plus inquiétant: le moindre rassemblement public devient peu à peu l’occasion d’une généralisation de la violence.
Rappelons-nous, il y a à peine plus d’un an, la France accueillait un évènement planétaire: la finale de la Ligue des champions. Mais autour du Stade de France, l’ambiance n’a pas été à la fête. Des milliers de supporters espagnols et britanniques ont subi des agressions, parfois violentes, et surtout de très nombreux vols. Alors que ce qu’il convient d’appeler désormais le fiasco du Stade de France provoquait les moqueries et l’ire de la presse étrangère, ce sont près de 3000 supporters britanniques qui ont annoncé déposer une plainte collective ces derniers mois.
Le 6 décembre dernier, encore le football constituait à nouveau le prétexte pour de très nombreuses violences du fait de supporters marocains, et ce à travers toute l’Europe.
Pensons également à la tradition funeste des voitures brûlées lors du nouvel an. Si ce phénomène semble diminuer ces dernières années, il est longtemps resté le symbole des fêtes gâchées. C’est le 14 juillet, jour de fête nationale, qui semble prendre le relais, alors que l’édition 2023 a fait l’objet d’une sécurisation exceptionnelle et inacceptable dans une démocratie moderne.
En réalité, la croissance rapide des violences lors des rassemblements publics n’a rien d’étonnant. Elle suit en cela, avec même un peu de retard, la croissance aussi stupéfiante que trop mal connue de la violence dans la société en général.
Les plus hautes autorités de l’État ont longtemps tergiversé, avant de reconnaître enfin cette réalité. Ainsi du ministre de l’intérieur évoquant «l’ensauvagement d’une part de la société» à l’été 2020.
Ces mots nomment une violence d’abord ressentie, mais aussi, et surtout, chiffrée: le ministère de l’Intérieur relevait par exemple une augmentation du nombre des agressions – dénommées «coups et blessures volontaires» – de l’ordre de 46% entre 2008 et 2021, puis de 15% sur la dernière année. Une hausse stable et que rien ne semble, pour l’instant, arrêter.
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