LE FIGARO. – Une jeune femme est entre la vie et la mort à Cherbourg après avoir été violée à son domicile. Si l’homme de 18 ans soupçonné de l’avoir torturée, récidiviste, risque la perpétuité, notre système judiciaire fait qu’il pourrait ressortir de prison à 45 ans, constate le directeur de l’Institut pour la Justice.
Pierre-Marie SÈVE. – Il y a une dizaine de jours, un homme s’est introduit par effraction dans le logement d’une jeune femme de 29 ans à Cherbourg. Ce récidiviste, déjà connu pour avoir agressé sexuellement sa sœur de 4 ans, a violé et torturé la jeune femme chez qui il s’était introduit, pendant près d’une demi-heure. La victime, violée avec un balai, et dont les organes internes ont été perforés, est encore entre la vie et la mort. L’homme suspecté, dénommé «Oumar» et âgé de 18 ans, a été mis en examen pour viol avec actes de barbarie.
Pour ce crime, il risque la prison à perpétuité, et il y a fort à parier que la population approuverait une telle peine, vu la gravité et la sauvagerie de l’acte. Mais, l’appellation «prison à perpétuité» pose problème. En effet, en France, la peine de prison à perpétuité n’est jamais perpétuelle. Pire, même la perpétuité «incompressible», extrêmement rare, offre une possibilité de sortie au condamné.
L’homme suspecté d’avoir commis ce viol à Cherbourg, s’il est condamné, ressortira un jour. Cette certitude est d’autant plus inquiétante que le suspect n’a que 18 ans. Il est donc vraisemblable qu’il sorte de prison avant ses 45 ans. Et il est alors tout à fait possible qu’il fasse de nouvelles victimes. La peine de perpétuité «classique» a une durée minimale de 18 ans durant laquelle il n’y a effectivement aucune possibilité de libération. La cour d’assises peut prononcer souvent une «période de sûreté», qui peut allonger cette période jusqu’à 22 ans, voire exceptionnellement, 30 ans.
“Un criminel sortira plus rapidement de prison s’il est condamné à une peine de perpétuité qu’à une peine de 30 ans de prison.”
Pierre-Marie Sève
Cette peine de perpétuité n’a donc pas de maximum, et elle peut théoriquement être perpétuelle. Mais dans la grande majorité des cas, les condamnés ressortent. Le chercheur du CNRS Pierre-Victor Tournier retenait une durée moyenne de 20 ans dans la Revue internationale de criminologie et de police technique et scientifique, pour environ 10 à 20 condamnations annuelles.
À tel point qu’un criminel sortira plus rapidement de prison s’il est condamné à une peine de perpétuité qu’à une peine de 30 ans de prison. Moi-même, en tant que directeur de l’Institut pour la justice, j’ai accompagné une famille de victimes soulagée lorsque le meurtrier de leur fils a été condamné à 30 ans de prison, plutôt qu’à la perpétuité.
En complément, la France possède depuis 1994 une peine de perpétuité «incompressible». Prononcée qu’à 8 reprises, dont 4 pour les terroristes du Bataclan, cette peine incompressible permet toutefois la possibilité, bien que mince, d’une sortie. Après 30 ans, un réexamen est possible, et une libération peut avoir lieu.
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