Tribune

Pierre-Marie Sève dans le Figarovox : «Les délinquants s’en prennent à la police parce qu’ils savent qu’ils n’ont rien à craindre de la Justice»

FIGAROVOX/TRIBUNE - Un policier a été blessé par un homme qui se trouvait à bord d'un scooter volé, vendredi 15 avril, en Seine-Saint-Denis, selon le site Actu17. Le délégué général de l'Institut pour la Justice Pierre-Marie Sève y voit le signe des failles de notre système judiciaire.

Publication
19 avril 2022
Durée de lecture
1 minute
Média
FigaroVox

Ce vendredi 15 avril, à Saint-Ouen, un policier a tenté d’arrêter un homme circulant à scooter sur le trottoir, selon le site Actu17. Le chauffard aurait refusé d’obtempérer et aurait même littéralement foncé sur le policier, le trainant sur plusieurs mètres.

Dans ce fait divers, comme dans tant d’autres, les délinquants n’hésitent plus à sciemment attaquer les policiers. Cette analyse s’étend d’ailleurs à toutes les figures d’autorité de l’État. En France, de manière générale, l’autorité n’existe plus.

Ce constat est d’ailleurs soutenu par des statistiques officielles. Premier indicateur, peut-être le plus éloquent sur la perte d’autorité de la police, est le nombre de violences perpétrées contre les policiers. Selon des données du ministère de l’intérieur exploitées par le journal Le Monde en février 2021, il y aurait 85 faits de violences contre les policiers par jour. Mais c’est l’évolution qui est proprement spectaculaire : entre 2000 et 2019, le nombre de ces violences a plus que doublé, passant de 13 392 à 31 257 faits. Indéniablement, il y a une libéralisation de la violence dans la population à l’encontre des policiers.

Cette libéralisation de la violence touche aussi les professeurs et les enseignants, profession symboliquement meurtrie depuis l’assassinat de Samuel Paty.

Selon une enquête Ifop de fin 2020, la proportion de professeurs et enseignants insultés ou agressés est alarmante : 28% font état de menaces, 21% de vols, 41% font état d’insultes et 28% d’agressions réelles.

“La faillite du système judiciaire français, décriée depuis des décennies, met en péril l’ensemble de la chaîne pénale. ”
Pierre-Marie Sève

La litanie pourrait continuer avec les agressions contre une autre profession pourtant respectée dans l’inconscient populaire : les sapeurs-pompiers. Pourtant au service de la population, les syndicats de pompiers ne cessent d’alerter sur les violences qui les concernent. Un rapport du Sénat avait ainsi pointé du doigt la hausse astronomique du nombre d’agressions contre les pompiers : +213% en 10 ans.

La litanie des professions fragilisées par manque d’autorité pourrait continuer. Mais il est important de mettre le doigt sur l’élément central : l’abandon général du concept de «sanction». Aujourd’hui, si les délinquants s’en prennent à la police, c’est parce qu’ils savent qu’ils n’ont rien à craindre de la Justice française.

Conceptuellement, la Justice se divise en deux grandes parties. Il y a d’abord l’autorité qui met fin à la violation de la règle : ce sont les policiers lorsqu’ils mettent fin à un vol ou une agression, ce sont les professeurs lorsqu’ils demandent à des élèves d’arrêter de bavarder, mais ce sont aussi, plus prosaïquement, les parents qui stoppent les bêtises de leurs enfants.

Après ce premier temps, il y a un second temps: celui de la sanction.

Prononcée par les juges, la peine remplit plusieurs objectifs selon les grands auteurs du droit pénal : répondre au besoin de vengeance de celui qui a subi le préjudice, exercer une dissuasion à l’égard de délinquants potentiels, faire s’amender celui qui a violé la règle, ou encore préparer la réinsertion de l’auteur.

Malheureusement, en France, c’est là que le bât blesse. La faillite du système judiciaire français, décriée depuis des décennies, met en péril l’ensemble de la chaîne pénale. Car l’autorité de la police ne va pas sans l’autorité de la Justice. Comme des parents qui se contrediraient devant leurs enfants, l’ensemble de la force et de la clarté des règles vole en éclats lorsque police et Justice n’avancent pas main dans la main.

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