Extrait de la tribune de Me Guillaume Jeanson dans le FigaroVox
Le Canard enchaîné en avait annoncé la couleur la semaine dernière. Le Monde vient de nous en servir le fumet : une douce effluve de trahison, comme seuls les professionnels de la politique semblent en avoir le secret.
Selon les informations de Jean-Baptiste Jacquin, «la Chancellerie a déjà fait son deuil de plusieurs projets censés compter parmi les 7 000 nouvelles places de prison promises d’ici à 2022.» Les structures d’accompagnement vers la sortie, pour ceux condamnés à des courtes peines ou ceux finissant de purger des longues peines, verront ainsi le jour «plus tard». Et les deux prisons expérimentales centrées autour du travail, dans le cadre d’un partenariat avec des entreprises privées, «devraient attendre 2023 au mieux».
Pour mesurer le chemin parcouru sur ce dossier ubuesque, reprenons un temps l’historique.
«Nous construirons 15 000 places de prison supplémentaires sur le quinquennat, soit environ un quart de plus qu’aujourd’hui.» Cette phrase est restée longtemps sur le site internet d’«En Marche!». Y compris, après l’élection présidentielle. Elle traduisait, sans aucune ambiguïté possible, l’engagement d’Emmanuel Macron.
Le Président n’a pas honoré sa promesse de candidat.
À cette époque, le candidat François Fillon en promettait 16 000. Un nombre étonnant pour le champion d’un parti qui, cinq ans auparavant, avait voté la construction ambitieuse (mais non budgétisée…) de 24 000 nouvelles places. Un projet d’ailleurs bien vite enterré par Christiane Taubira. Même si, prise d’un remords aussi tardif que suspicieux, la gauche allait tout de même charger son successeur place Vendôme, Jean-Jacques Urvoas, d’annoncer à huit mois des élections présidentielles le lancement d’un plan de construction de prisons. Un plan d’une échelle comparable à celle des promesses qui allaient fleurir dans les programmes des candidats LR et LREM au printemps suivant.
«plus c’est gros, plus ça passe».
Dès le mois de juillet 2017, Le nouveau Premier ministre Édouard Philippe assurait dans son discours de politique générale que le gouvernement tiendrait la promesse de créer ces 15 000 places supplémentaires de prison. Mais le «nouveau monde» allait démontrer qu’une fois au pouvoir, il n’avait rien à envier à l’ancien. À l’automne suivant, la Chancellerie révéla que cet engagement ne serait tenu, non plus sur un, mais plutôt sur deux quinquennats. D’aucuns susurreraient alors «plus c’est gros, plus ça passe».
En janvier 2018, s’ouvrit une profonde crise de la pénitentiaire. D’un côté, le personnel – effaré par une nouvelle tentative d’assassinat perpétrée sur deux des leurs par un détenu radicalisé – réclamait des moyens et de la sécurité. De l’autre, La ministre annonçait, parmi d’autres mesures, l’installation de téléphones fixe dans toutes les cellules. La négociation s’annonçait âpre et difficile. Emmanuel Macron chercha à temporiser: lors de son discours de rentrée solennelle de la Cour de Cassation, il annonça un «plan pénitentiaire global» pour la fin du mois de février, en rappelant l’objectif de 15 000 places de prison supplémentaires sur le quinquennat.