Tribune

L’IPJ plaide pour une politique pénale cohérente et courageuse

Guillaume Jeanson, porte-parole de l'Institut pour la Justice, a publié une tribune sur le site Politique Matin où il dénonce les dysfonctionnements de notre justice et les échecs des politiques pénales précédemment menées. A l'approche de l'élection présidentielle, il invite les candidats à faire preuve de courage, de lucidité et de cohérence pour lutter enfin efficacement contre la criminalité.

Publication
10 février 2017
Durée de lecture
2 minutes
Média
Politique Matin

Une montée de la violence

Il y a quelques semaines, a été rendu public le résultat de la dernière enquête de victimation (Rapport annuel ONDRP 2016). Les médias ont pu se réjouir largement de la baisse de 1,6 point entre 2015 et 2016 de la proportion de personnes déclarant se sentir en insécurité. Si la baisse du sentiment d’insécurité est indéniablement positive, un autre enseignement de cette étude était quant à lui pourtant bien plus inquiétant : l’accroissement de la violence. L’on y apprenait en effet que l’ONDRP relevait notamment que sur la même période, les femmes se déclarant victimes de « violences physiques hors ménage » ont augmenté de 38 %.

Les raisons de la colère

Comment en est-on arrivé là ? En 1764, Beccaria dans son traité des délits et des peines écrivait que « la certitude d’une punition, même modérée, fera toujours plus d’impression que la crainte d’une peine terrible si à cette crainte se mêle l’espoir de l’impunité ».

Après s’être beaucoup inspiré de cette philosophie pénale, notre système judiciaire semble aujourd’hui en avoir oublié les préceptes. En effet, si dans notre pays la peine est souvent modérée, elle est en revanche de moins en moins certaine.

De nombreuses peines symboliques

Si l’on s’intéresse aux infractions les moins graves, l’inexécution ou l’exécution tardives des courtes peines, de même que l’accumulation de sanctions symboliques telles que des sursis simples, des rappels à la loi, des remises à parents, des sursis mis à l’épreuve ou autres travaux d’intérêts généraux lorsqu’ils demeurent impunément inexécutés, sont autant de messages désastreux qui ruinent l’efficacité d’une politique pénale. Face à une infraction délictuelle, la peine doit demeurer certes mesurée et humaine, mais son exécution doit, quant à elle, être immédiate et davantage certaine.

Un régime complexe d’exécution des peines

Si l’on s’intéresse à présent aux infractions les plus graves, entrainant le prononcé de lourdes peines de prisons, la situation est encore différente : les règles d’exécution des peines sont multiples et complexes (crédits de réduction de peine, libération conditionnelle etc…) et il est difficilement compréhensible par le plus grand nombre qu’un individu puisse souvent sortir de détention un peu au-delà du tiers de sa peine seulement. Il l’est tout autant, lorsqu’il apprend qu’en moyenne les individus condamnés à la prison à perpétuité sortent au bout de vingt ans.

Idéologie & cynisme politique

Ce régime drapé des vertus d’une idéologie férocement anti-carcérale vient maquiller une réalité beaucoup plus cynique. Depuis plusieurs décennies, les différents gouvernements au pouvoir n’ont pas eu le courage de construire des places de prison en nombre suffisant. Nos maisons d’arrêt sont donc complètement surpeuplées, alors même que nous mettons moins de personne en prison que le reste de l’Europe. À cet égard, rappelons que la France affiche un taux d’incarcération de 100 détenus pour 100 000 habitants, alors que la moyenne européenne est de 154 et la médiane de 122. Qu’en France, nous disposons de 58 000 places de prison alors que le Royaume-Uni en compte 96 000 et l’Espagne 76 000.

Un quinquennat pour rien ?

En mars 2012, la droite a voté un plan de construction de 24 000 nouvelles places, sans toutefois en assurer le financement. À son arrivée au pouvoir, la gauche a donc supprimé ce plan. Si Christiane Taubira s’est néanmoins évertuée à lutter contre cette « surpopulation carcérale », elle l’a fait en réduisant toujours plus les flux entrants (par la création de la « contrainte pénale ») et en accroissant les flux sortants (par la création de la « libération sous contrainte »). On en connaît tant le résultat, que le nouveau Garde des Sceaux n’a eu d’autre choix, en cette année d’élections, que d’annoncer finalement,le 20 septembre dernier, un plan de construction de nouvelles cellules qui pourrait donner lieu, suivant l’estimation la plus haute, à la construction de 17 643 nouvelles places de prison. Que de temps perdu. Pour mémoire, on compte encore 100 000 peines de prison en attente d’exécution.

Pour conclure

Il est urgent de bâtir, en matière pénale, une politique courageuse, cohérente et trans-partisane, pour retrouver une dissuasion efficace de nature à favoriser un recul de la criminalité dans notre pays.

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