Extrait de l’entretien avec Me Guillaume Jeanson :
Atlantico : Théo Luhaka a été arrêté avec plusieurs autres membres de sa famille pour répondre de soupçons d’escroquerie aux aides de l’Etat- « escroquerie en bande organisée, abus de confiance et blanchiment » pour être plus précis. Il aurait participé au détournement de centaines de milliers d’euros et empoché une somme de 52.000 euros. Ce genre d’affaire est-elle isolée ou les aides et subventions de l’Etat sont-elles régulièrement « détournées » de la sorte ?
Guillaume Jeanson : Vous faites référence à l’interpellation très largement médiatisée de février 2017 pour laquelle une enquête est également en cours. Pour éviter toute confusion, il convient bien évidemment de dissocier cette affaire de celle qui nous intéresse ici et qui concerne, rappelons-le, l’association Aulnay Events soupçonnée de fraude entre 2015 et 2016. C’est à dire bien avant l’affaire dite « Théo ». La question que doit se poser le parquet de Bobigny est probablement de savoir s’il y a eu une mauvaise gestion des deniers publics ou une intention volontaire d’escroquerie, auquel cas les risques pourraient être importants. Mais la question que vous me posez dépend plus précisément de ce qui fait l’objet de la fraude. Il pourrait en effet y avoir une fraude concernant des subventions accordées à l’association et une fraude concernant spécifiquement des contrats de travail. A en juger par le peu d’éléments du dossier sortis dans la presse, il faut bien sûr se montrer prudent. Il se pourrait que l’infraction la plus importante soit une fraude aux « emplois aidés » et plus précisément à des Contrats d’Accompagnement à l’Emploi. Est-ce que cette affaire est isolée ? Rappelons qu’il y a deux mois seulement, en avril dernier, une vaste fraude concernant des emplois aidés qui aurait rapporté plus de 7 millions d’euros avait déjà conduit à la mise en examen de sept personnes… Concernant l’association de Mickaël LUHAKA, le frère de Théo, le montant de la fraude serait toutefois d’un montant moindre, puisqu’on parle de près de 650 000 euros.
L’importance des subventions de l’État (2 milliards d’euros de subventions allouées aux associations par l’État en 2015 selon l’une des annexes du projet de loi de finances pour 2017 dite « effort financier de l’État en faveur des associations ») peut malheureusement conduire certains à profiter du système. Mais dessiner une tendance demeure un exercice compliqué. Il faut déterminer si les contrats conclus étaient fictifs ou non, et cela pose donc la question du contrôle de ce type de contrat. En effet, ces Contrats d’Accompagnement à l’Emploi sont conclus entre l’employeur (l’association donc), le salarié et le pôle emploi qui doit les contrôler. De la même manière, l’utilisation des subventions accordées aux associations, qu’elles soient issues d’un concours financier de l’État ou d’une collectivité territoriale, est sensée être contrôlée. Le contrôle peut être politique (par les élus de la collectivité qui a accordé ces subventions). Mais il peut aussi être juridictionnel ou financier. C’est-à-dire qu’il peut être réalisé par la Cour des comptes (si la subvention a été accordée par l’État) ou par une chambre régionale des comptes (si la subvention a été accordée par une collectivité). Le contrôle peut également être administratif (par les comptables du Trésor public ou l’Inspection générale des finances par exemple), et enfin ce contrôle peut encore naturellement être exécuté par un Commissaire aux comptes dans certaines circonstances et au-delà de certains seuils prévus par la loi. Ces contrôles sont donc en théorie nombreux mais ils peuvent tout aussi bien conduire en réalité à des doublons ou des lacunes au détriment de leur efficacité réelle.