Tribune

Primaire de la Droite et du Centre : les idées de l’IPJ reprises par les candidats

Après le succès de François Fillon à la Primaire de la Droite et du Centre, Alain Juppé a déclaré qu'il continuait le combat, «projet contre projet». Dans cette tribune libre publiée sur le Figaro Vox, l'Institut pour la Justice remarque que, globalement, beaucoup de ses propositions ont été reprises par les candidats des Républicains.

Publication
23 novembre 2016
Durée de lecture
4 minutes
Média
Figarovox

Le vent de sédition des peuples, venu chatouiller les narines des édiles politico-médiatiques anglaises, romaines puis états-uniennes, a gagné dimanche soir les côtes françaises. Il signe, une nouvelle fois, la défaite cuisante des instituts de sondage et la docte suffisance des chroniqueurs arrivés. Non, les Français n’ont pas voulu de ce duel que d’aucuns, opiniâtres zélés, s’étaient évertués avec tant de pugnacité à leur présenter comme inéluctable.

Un coup de théâtre qui sonne comme un coup de semonce alors que, de retour dans leurs loges, les premiers rôles affûtent désormais leurs plus belles saillies pour l’affrontement final. Il faut dire que le spectacle ne manque pas de régaler: jamais dans l’histoire de la Vème République, autant de sympathisants de gauche et du front national ne se seront parjurés, avec une telle complaisance du système, en signant la main sur le cœur une «charte de l’alternance», pour vouer aux gémonies un président déchu. Mais trêve de sensationnalisme. Il serait regrettable d’oublier, derrière le talent des acteurs, les idées qu’ils prétendent servir.

En fait d’idées, l’institut pour la justice, par trop facilement honni dans une certaine presse pour ses positions clairvoyantes, se réjouit de voir si largement reprises par les candidats à cette primaire, nombre de ses propositions défendues depuis bientôt une décennie. Le 22 octobre dernier, il a interrogé, aux côtés du magistrat honoraire Philippe Bilger, de l’ancien n°3 de la Gendarmerie Nationale, le général Bertrand Soubelet et des avocats Gilles-William Goldnadel et Thibault de Montbrial, l’ensemble des candidats ou leur porte-paroles, avant de leur soumettre un questionnaire comprenant une vingtaine d’engagements, dont les réponses figurent désormais sur un site internet dédié: 2017pourlajustice. Si les notations qui en résultent sont proches et élevées, leur examen scrupuleux révèle néanmoins certaines divergences importantes dans les programmes Justice des deux finalistes.

La première d’entre elles a trait au droit d’appel des victimes. Rappelons que ces dernières sont aujourd’hui placées dans une situation d’infériorité juridique par rapport aux mis en cause. Si leur agresseur est relaxé ou acquitté, elles ne disposent en effet que du droit d’interjeter appel sur «les intérêts civils». L’appel sur la peine est réservé au seul parquet. Si ce dernier refuse de faire appel, seule pourra alors être débattue à nouveau la question du montant d’une éventuelle indemnité réparatrice. Parmi les non-juristes, ceux qui connaissent cette règle sont le plus souvent ceux qui s’y sont douloureusement heurtés. Ce système n’est ni juste, ni satisfaisant. Si la Justice ne saurait être infaillible lorsqu’elle condamne un innocent, pourquoi saurait-elle l’être lorsqu’elle innocente un coupable? La victime demeure tributaire de la décision du parquet. Une décision que ce dernier n’est ni tenu de motiver, ni même d’expliquer. Lorsque le refus d’interjeter appel du parquet survient à la suite de lourdes réquisitions soutenues à l’audience, l’incompréhension pour la victime est totale et génère alors un traumatisme qui participe de ce que les victimologues qualifient de phénomène de «victimisation secondaire». Face à cette situation dramatique, la mobilisation de l’institut pour la justice avait conduit Nicolas Sarkozy à s’engager en 2012 à «donner aux victimes le droit de faire appel des décisions des cours d’assises et des tribunaux correctionnels, ainsi que des décisions de remise en liberté.» Un sondage CSA réalisé l’année suivante avait révélé que 92% des français interrogés y étaient favorables. Cette année, ce sont Jean-François Copé, François Fillon, Nathalie Kosciusko Morizet Jean-Frédéric Poisson et Nicolas Sarkozy qui se sont engagés, cette fois-ci, à ouvrir un droit d’appel aux victimes. Seul Alain Juppé y demeure opposé.

La deuxième divergence tient à la nécessité de construire des places de prison en nombre suffisant. Au 1er octobre 2016, Pierre-Victor Tournier, spécialiste de démographie pénale, compte très exactement 14.160 détenus en surnombre. Il existe, en outre, un stock de 80.000 à 100.000 peines de prison en attente d’exécution. Après un volteface taubiresque, la gauche s’est finalement décidée cette année à agir contre ce fléau. Manuel Valls et Jean-Jacques Urvoas ont ainsi annoncé, en septembre dernier, un plan prévoyant la construction d’une fourchette située entre 11.109 et 17.643 nouvelles places de prison. Dans leurs programmes, Alain Juppé et François Fillon s’engagent respectivement à construire 10.000 et 16.000 nouvelles places.

La troisième divergence que nous évoquerons est la possibilité de réviser un procès autant dans le sens d’un acquittement que d’une condamnation en cas de fait nouveau permettant d’établir de façon certaine la culpabilité d’un individu. Alain Juppé fait incontestablement preuve, sur ce point, de modernisme en reprenant à son compte cette proposition qui tire les conséquences des progrès considérables de la science et invite à reconsidérer un corpus de règles qui pouvaient notamment s’expliquer par la problématique de déperdition des preuves. Plus conservateur, François Fillon, bien qu’ayant témoigné son intérêt pour ce sujet, a toutefois préféré, pour l’heure, ne pas s’y engager.

Au-delà de ces trois divergences assez nettes qui transparaissent dans le programme des finalistes, certaines de leurs «convergences» méritent encore d’être examinées. Afin sans doute de remobiliser ses troupes légitimement échaudées par les résultats du premier tour, Alain Juppé tente, ces jours-ci, de se présenter comme l’homme des revirements inattendus. Les salles de shoot pourraient bien le laisser accroire. Souvenons-nous de mars 2015. En plein enlisement dans la loi santé, le maire de Bordeaux faisait alors figure d’exception à droite, en s’affichant ostensiblement en leur faveur. A l’instar de Paris et Strasbourg, Bordeaux était donc choisie pour leur expérimentation. Dix-huit mois plus tard, c’est donc avec une certaine perplexité teintée de naïveté heureuse que l’institut pour la justice a découvert qu’Alain Juppé signait son engagement de substituer à ces salles, des centres favorisant le sevrage des toxicomanes. Craignant une erreur de sa part et ne voulant pas entacher la crédibilité de sa candidature, l’institut pour la justice a alors pris le soin de l’interroger une seconde fois sur cet engagement. Or, ce revirement sur les salles de shoot lui a bien été confirmé. Certains s’en réjouiront. D’autres, peut-être, ricaneront. A défaut de pouvoir prétendre sonder les âmes, l’institut pour la justice se doit dès lors d’accorder, avec grâce, à Alain Juppé la foi du nouveau converti. Bien qu’ayant pris le même engagement sur ce sujet, François Fillon, qui avait co-signé la proposition de résolution hostile à ces salles n°2463 du 16 décembre 2014 déposée par le député Yannick Moreau, fait montre d’une plus grande constance en affichant quant à lui un classicisme certain.

Dernier sujet qui préoccupe: celui du terrorisme islamique. Le maire de Bordeaux qui, à Villepinte en mars 1990, exhortait l’Islam à «s’adapter afin d’être compatible avec nos règles», a en effet opéré une mutation profonde de son discours, davantage au goût de certains médias que d’une partie de l’électorat de droite. Celle-ci pourrait en effet lui avoir préféré l’ouvrage «vaincre le totalitarisme islamique» de François Fillon, à en croire du moins l’impact qu’il semble avoir eu sur la remontée spectaculaire de son auteur ces dernières semaines. Au-delà des convergences affichées sur un panel de mesures de lutte contre le terrorisme, se dessine sans doute ici, pour de nombreux électeurs, un clivage profond. Un clivage certainement accru par l’inquiétude lancinante liée à cette conjoncture menaçante. Celle du retour imminent de plusieurs centaines de français combattant en Syrie sous l’étendard noir de Daech.

Avec le chômage, la lutte contre le terrorisme et l’insécurité ne cesse de caracoler en tête des priorités d’action que les électeurs voudraient voir menées par le prochain président. Au-delà des stratégies d’évitement, leur forte mobilisation de dimanche dernier témoigne surtout de leur soif d’avancées concrètes sur chacun de ces sujets. Nous verrons dimanche prochain si, en soufflant vaillamment sur cette étincelle d’espérance, ce vent nouveau parviendra à raviver la flamme de notre vieille démocratie.

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