C’est l’année de tous les records. Le 1er mars 2017, avec 69 430 détenus, leur nombre a atteint un sommet. Enregistrant une moyenne de 100 prisonniers pour 100 000 habitants, la France se situe loin devant ses voisins allemands ou italiens.
Des conditions d’accueil qui se dégradent
Dans son dernier rapport, Adeline Hazan, contrôleur général des lieux de privation de liberté (CGLPL), note « un recul de droits fondamentaux ». La France ne compte « que » 58 681 places de prison, d’où un taux de surpopulation de 118 %, qui nous rapproche statistiquement de l’Albanie ou de la Moldavie. En moyenne, 2 000 détenus sont contraints de dormir sur des matelas jetés au sol. Il faut ajouter « une insuffisance de personnels » et « la vétusté d’un grand nombre de bâtiments ». Dans les maisons d’arrêt notamment, dédiées aux prévenus et aux courtes peines, cette même surpopulation flirte avec les 200 % en Ile-de-France, rendant la situation explosive.
Construire, mais combien ?
Pour beaucoup, il n’y a d’autre choix que de construire de nouveaux établissements. Emmanuel Macron, François Fillon et Marine Le Pen promettent ainsi de 15 000 à 40 000 places supplémentaires. « Il en faut 10 000 à 12 000, estime pour sa part David Derrouet, maire (DVG) de Fleury-Mérogis et spécialiste de la question. C’est nécessaire, ne serait-ce que pour obtenir l’encellulement individuel, et c’est le résultat de trente ans de retard en la matière. »
Pour y pallier, un livre blanc sur l’immobilier pénitentiaire a été remis mardi au garde des Sceaux, Jean-Jacques Urvoas, rédigé par des personnalités de droite et de gauche. Il préconise d’adapter les flux d’entrée de prisonniers à la capacité des établissements, en attendant des solutions pérennes.
Bâtir une prison prend du temps. A minima, un quinquennat. Voire deux. Le ministre avait annoncé en octobre le lancement de 33 projets. Mais 21 seulement ont été localisés depuis. « La majorité des élus plaide pour plus de prisons, mais peu sont candidats pour les accueillir », analyse-t-on à l’administration pénitentiaire.
Un financement hasardeux
Plus de 1 Md€ a été budgété cette année. De quoi lancer neuf chantiers. La question du financement reste plus que jamais posée, les partenariats publics privés (PPP) ayant montré leurs limites. « C’est comme une location longue durée pour les voitures, résume un haut fonctionnaire. Vous ne payez pas l’achat, mais le coût du crédit est cher. » « Cela revient à construire à crédit, dit Marie Crétenot, responsable plaidoyer pour l’Observatoire international des prisons. Résultat : les PPP ont conduit à l’accumulation d’une dette de 6 Mds€. » Aujourd’hui, rien ne dit que les PPP seront mobilisés pour financer les 31 établissements voulus par Jean-Jacques Urvoas. « La question n’est pas tranchée, explique-t-on à l’administration pénitentiaire. Elle est tout autant financière que politique, et sera du ressort du prochain gouvernement. »
Abandonner le « culte de la prison »
Favorable à la construction de nouvelles places pour améliorer les conditions de détention, l’ancien détenu Pierre Botton déplore le « culte de la prison ». L’ex-homme d’affaires, président de d’Ensemble contre la récidive, dénonce l’absence de différenciation des régimes carcéraux, et « ces petits délinquants qui côtoient des terroristes ». « On incarcère désormais beaucoup pour des délits routiers. Y a-t-il besoin de 50 miradors pour ce type de détenus ? » interroge l’avocat Guillaume Jeanson, porte-parole de l’Institut pour la justice. Pour Marie Crétenot, les peines en milieu ouvert, « alternatives aux courtes peines, génèrent moins de récidive ». Selon elle, leur financement est toutefois insuffisant, la majorité des moyens étant alloués aux constructions. « On sait que la prison, c’est comme les autoroutes, résume d’une formule Me Vincent Ollivier, avocat au barreau de Paris. Plus vous en construisez, et plus vous augmentez le trafic. » Avec une délinquance qui, au final, ne baisse pas. D’autant que, ces dernières années, les budgets dédiés à la réinsertion après une peine ferme se sont eux aussi montrés trop limités. « En France, un conseiller d’insertion et de probation gère 120 à 150 dossiers, quand il ne devrait en suivre qu’une quarantaine, soupire Pierre Botton. Nos concitoyens devraient pourtant se rappeler que la prison, cela n’arrive pas qu’aux autres… »