Interview

Rapatriement des djihadistes, ce qu’en pense l’IPJ

Me Guillaume Jeanson répond aux questions d’Atlantico sur le rapatriement de 130 djihadistes. D’après la garde des Sceaux, les ¾ d’entre eux seraient des mineurs et les majeurs seront interpellés dès leur arrivée. Le porte-parole de l’IPJ s’interroge sur la préparation de ce retour…

Publication
1 février 2019
Durée de lecture
1 minute
Média
Atlantico

Extrait de l’interview de Me Guillaume Jeanson :

Atlantico :  Le retour des djihadistes français transférés notamment par les Kurdes sur le territoire français nous pousse à considérer deux options: la première consisterait à aller jusqu’au bout d’une logique de « guerre contre le terrorisme » pour reprendre les mots de François Hollande et à traiter ces prisonniers « spéciaux » avec une particularité (mais comment faire, avec l’aide de quels dispositifs? Un « Guantanamo » français est-il si aberrant ?). La deuxième opterait pour une version plus optimiste, dans une société capable de digérer ces anciens détenus terroristes dangereux et pousserait à considérer des conditions de résidence « normales ». Quels seraient les avantages et les inconvénients de ces deux options ? 

Guillaume Jeanson : Dire que l’expérience de Guantanamo n’a pas honoré les autorités américaines est évidemment une litote. Pour mémoire, six personnes de nationalité française y ont été incarcérées. Elles ont été libérées entre juillet 2004 et mars 2005 et ont alors été renvoyées en France ou elles ont été placées en détention provisoire. Une première tentative de procès s’est tenue en 2006. Il a été repoussé pour des problèmes de procédure à 2007. Pour résumer grossièrement, condamnés pour association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste, elles ont alors écopé autours de quatre à cinq années de prison dont les trois quarts assortis d’un sursis. Elles ont interjeté appel de leur condamnation et ont alors tous été relaxées pour vice de procédure devant la cour d’appel. Ce petit rappel illustre assez clairement deux extrêmes. D’une part, des conditions inhumaines et dégradantes qui ont choqué le monde entier et d’autre part un juridisme pointilleux aux conséquences particulièrement généreuses pour des personnes dont la dangerosité mériterait peut-être qu’on y regarde à deux fois. Des conséquences qui, nous le remarquons au quotidien, peinent en outre à être bien comprises, en dehors des rangs des professionnels du droit.

Non je ne suis pas pour un Guantanamo à la française. Pour autant, je suis pour qu’on améliore au plus vite notre système actuel en nous dotant de moyens conséquents. D’abord construire des places de prison réellement étanches. Faut-il rappeler que le président actuel s’était fait notamment élire sur la promesse de construire 15.000 nouvelles places de prison, et qu’après un premier reniement en mars dernier ramenant ce chiffre à 7.000, le Figaro a révélé à l’automne dernier que seules 3.000 places seraient vraisemblablement construites au cours de ce quinquennat ? Un bilan qui, sur ce point, mériterait pour Nicole Belloubet, actuelle garde des Sceaux d’être rapproché de celui de Christiane Taubira. Arrêtons-nous à cet égard un instant sur les éléments de langage du pouvoir avancés pour tenter de justifier ce reniement. Il a été prétendu honteusement que cette promesse serait quand même tenue, mais sur deux quinquennats au lieu d’un seul… Un tour de passe-passe rhétorique assez grotesque pour qui se souvient que cette promesse portait bien littéralement dans le programme LREM sur 15.000 places en 5 ans et pour qui s’autorise de surcroît à douter de l’évidence d’une telle réélection en 2022 – ce qui aurait alors, pour ces derniers, l’intérêt de pouvoir imputer l’absence de réalisation d’un tel programme de construction à leurs successeurs…

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