Une réforme inopportune qui pourrait renforcer le corporatisme des magistrats
La réforme du CSM est une promesse de François Hollande qui avait été suspendue en 2013. Le retour de ce texte à l’Assemblée nationale oscille entre opportunité politique et véritable débat de fond sur l’indépendance de la justice. Si le souhait du gouvernement est de garantir l’indépendance des magistrats à l’égard du pouvoir politique, Guillaume Jeanson est méfiant sur la portée de cette réforme.
Le constitutionnaliste Bertrand Mathieu, ancien membre du CSM, rappelle que la pratique française veut déjà que l’exécutif respecte l’avis du CSM.
Ensuite, Jean-Claude Magendie, premier président honoraire de la Cour d’appel de Paris et expert associé de l’Institut pour la Justice, voit dans la réforme de la composition du CSM visant à retirer la majorité aux non-magistrats, un « risque de corporatisme déjà fort au sein des professions judiciaires ». Pour lui, cette institution « doit être ouverte vers la société civile pour laquelle la justice est rendue, et aussi le gage d’une plus grande diversification des idées en son sein. »
Une réforme pour s’acheter une bonne conscience ?
La relance de la réforme du CSM intervient au moment de l’adoption de mesures législatives visant à lutter contre le terrorisme. Ces dernières mènent à un recul du juge d’instruction en faveur du parquet qui lui est moins indépendant. S’agirait-il donc d’une sorte de compensation ? S’interroge Guillaume Jeanson. De son côté, la CEDH dans sa jurisprudence dénie au parquet la qualité d’autorité judiciaire.
Guillaume Jeanson voit dès lors une posture du gouvernement puisque Dominique Raimbourg affirme que « cette réforme permet, enfin, de mieux affirmer l’unité du corps judiciaire […] sans renoncer au modèle d’un ministère public exercé par des magistrats appliquant la politique pénale conduite par le garde des Sceaux. »
Avec cette réforme, le parquet aura une plus grande indépendance vis-à-vis du gouvernement mais qui est critiquable en l’absence de contre-pouvoir.
Les Français attendent une justice transparente et impartiale
L’élection des magistrats par les citoyens n’est pas nécessairement la meilleure solution de contre-pouvoir. D’ailleurs des institutions démocratiques ont leur s membres élus par un vote indirect, à l’image du Sénat.
L’attente des citoyens n’est pas tant l’élection des juges, qui impliquerait des campagnes et choquerait nombre de Français, qu’une exigence de transparence de la justice qui permettrait de lutter contre deux dérives : le corporatisme et la politisation.
Enfin, le devoir de réserve doit impérativement être respecté afin de répondre aux soupçons d’impartialité de la justice.
Télécharger ici l’interview de Guillaume Jeanson ITW-Atlantico-5-avril-2016-CSM