Interview

Quelles réponses pénales pour le harcèlement et les agression sexuelles dans les transports en commun ?

Dans un entretien consacré à la lutte contre le harcèlement et les agressions sexuelles dans les transports en commun, Me Guillaume Jeanson, porte-parole de l'Institut pour la Justice, évoque pour Atlantico les manquements de la justice et l'inefficacité des réponses pénales.

Publication
6 mars 2018
Durée de lecture
1 minute
Média
Atlantico

Extrait de l’entretien :

Atlantico : Si aujourd’hui les gens n’interviennent plus en cas d’agression sous leurs yeux parce qu’ils ont peur de se faire tabasser, planter au couteau etc.. et ce dans un contexte où en plus le « tabasseur » ne risque pas grand chose pénalement parlant. Au fond, ne faudrait-il pas penser cette lutte contre les violences faites aux femmes dans les transports en commun dans une perspective plus globale de lutte contre l’insécurité générale ? Avec quels outils ?

Me Jeanson : Oui vous avez tout à fait raison. Il faut, si l’on veut atteindre une véritable efficacité sur ces sujets, les intégrer dans une perspective plus globale. Se pose d’abord évidemment la question du bon fonctionnement de la chaîne pénale. Lenteur et complexité d’une justice dont l’exécution réelle des décisions pose souvent question. Mais même avant d’arriver à ces maillons problématiques de la chaîne, doit se poser également la question, en amont, de la politique à mener. Celle-ci ferait bien en effet de puiser ses racines dans certains acquis de la criminologie qui ont largement fait leurs preuves à l’étranger : je veux ici parler de la fameuse théorie de « la vitre brisée ». Et puisque nous parlons des transports en commun, intéressons-nous un instant à la manière dont cette technique a pu permettre de pacifier le métro new-yorkais au tout début des années 1990. Une réussite qui a marqué le départ du recul spectaculaire de la criminalité à NYC. William Bratton, qui allait devenir plus tard le chef de la police de New-York, venait en effet alors d’être « simplement » nommé chef de la police des transports.

Rappelons que dans les années 1980, tous les New-yorkais qui le pouvaient évitaient de prendre le métro : les rames étaient sales, couvertes de graffiti, des centaines, puis, progressivement, des milliers de personnes avaient élu domicile dans les couloirs et les tunnels. Ils entraient dans les stations sans payer, dormaient sur les bancs et les quais, faisaient leurs besoins par terre, consommaient ouvertement de l’alcool et des stupéfiants, se battaient entre eux, mendiaient agressivement auprès des passagers. La police du métro décida finalement de s’attaquer au problème, en commençant par cibler en priorité les resquilleurs. Jusqu’alors la police des transports n’avait poursuivi qu’assez mollement ceux qui sautaient les portillons du métro. Ceux-ci, lorsqu’ils étaient contrôlés sans titre de transport, se voyaient remettre une citation à comparaitre devant le tribunal pour se voir infliger une amende. Les citations étaient ignorées et les amendes restaient impayées, la plupart du temps. Bratton changea donc de méthode et envoya des équipes de policiers en civil dans les stations les plus touchées. Ceux-ci y restaient jour et nuit et arrêtaient tous ceux qui rentraient sans payer. Lorsqu’ils en avaient arrêtés plusieurs dizaines, ils les faisaient sortir de la station, menottés les uns aux autres, et les conduisaient jusqu’au « Bust Bus » : un bus spécialement équipé, qui faisait le tour des stations de métro, et dans lequel quatre policiers relevaient les identités des contrevenants et recherchaient leurs antécédents judiciaires éventuels. »

 

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