Valeurs Actuelles. Quinze ans après le lancement de l’IPJ, vous lancez un documentaire, Coupables d’avoir été victimes : quand la Justice déraille. Dans quel but ?
Pierre-Marie Sève. Nous voulions avant tout donner la parole aux victimes rencontrées au fil des années. De nombreuses associations sont mobilisées pour les délinquants et les criminels en prison. Par contre, les victimes, une fois le procès terminé, ne sont plus prises en compte. Elles n’ont plus qu’à attendre une annonce de remise en liberté anticipée du coupable, sans possibilité de recours. Mais aussi : un petit chèque de 3 euros tous les mois, envoyé par le délinquant, 2,50 euros quand il est insolvable. Des réparations ridicules, qui sont souvent vécues comme une humiliation supplémentaire.
Vous pointez du doigt le rôle de la justice dans l’aggravation de la situation sécuritaire ?
Oui. Les victimes de l’insécurité sont abandonnées par une justice qui dysfonctionne à beaucoup de niveaux. La première personne dans le documentaire, Sylvia, a subi un viol par un individu condamné à 10 ans de prison, qui n’en fait que quatre et qui tue ensuite une autre jeune femme. Ce ne sont pas des cas isolés. Entre 2000 et 2019, le nombre d’agressions a crû de 142% en France. On a deux fois plus de risques de se faire agresser. Et donc d’avoir affaire à la justice. C’est aussi le message lancé aux gens : voilà ce qui vous attend si vous avez affaire à la justice.
Comment expliquez-vous la situation ?
Depuis les années 1980, une idéologie laxiste a irrigué les magistrats et les politiques, pour éviter le recours à la prison et pousser à la libération des criminels et des délinquants. Sous Mitterrand, il y avait des membres du Syndicat de la magistrature dans tous les cabinets ministériels. En quarante ans, la France est devenue l’un des pays les plus criminogènes d’Europe, si ce n’est le premier, mais on est en dessous de la moyenne et de la médiane européennes en taux d’incarcération. Avec notre population, il faudrait 100 000 places de prisons en France, soit près de 40 000 de plus qu’aujourd’hui.
« On ne manque pas de policiers, mais d’une justice qui fonctionne »