Entretien

Violences à Toulouse : la question des «zones de non-droit» se pose

Me Guillaume Jeanson, porte-parole de l'Institut pour la Justice et avocat au barreau de Paris est interrogé par le Figaro Vox sur les violences urbaines qui ont eu lieu à Toulouse en avril pendant quelques jours.

Publication
25 avril 2018
Durée de lecture
1 minute
Média
Figaro Vox

Extrait de l’entretien accordé par Me Guillaume Jeanson au Figarovox :

Figarovox : Les violences urbaines qui ont lieu à Toulouse depuis dimanche soir ressemblent à un «jeu du chat et de la souris» avec les policiers. Que cherchent les jeunes émeutiers?

Me Jeanson : Sans nier le fait que bon nombre des jeunes émeutiers vivent probablement leur combat ainsi, il est essentiel de ne pas occulter une autre réalité. Une réalité déjà bien connue des criminologues et des acteurs de terrain, que l’on retrouve systématiquement à l’œuvre dans la dynamique conduisant à ce qu’il est désormais convenu d’appeler «zones de non-droit». L’enjeu ici est le contrôle d’un territoire. L’enjeu ici est de soustraire certaines zones aux lois de la République pour les soumettre à d’autres lois. Les jeunes émeutiers cherchent donc surtout, par des méthodes proches parfois de la guérilla urbaine, à chasser toute émanation de l’État. C’est ce qui explique pourquoi, au-delà des policiers, dans les «territoires perdus de la République», des pompiers, des postiers et des médecins sont aussi pris pour cible. La population, elle, se retrouve prise en otage. Pourquoi un tel contrôle est-il recherché? Mon confrère Thibault de Montbrial l’a récemment écrit dans vos colonnes: «pour deux raisons: continuer de faire prospérer (les) trafics, et maintenir une logique communautaire dictée par un islam radical.»

Comment se fait-il que l’État soit impuissant à y maintenir l’ordre républicain?

Les ZSP ont été, on le voit, une réponse largement insuffisante face à l’ampleur du problème. Nous ne pouvons qu’espérer de la part de la nouvelle police de sécurité du quotidien une plus grande efficacité face à ce fléau. Mais le défi est grand. Il est aussi juridique et politique que culturel. Interrogé récemment par l’Institut pour la Justice au sujet de cette nouvelle police, Patrice Ribeiro, commandant de police et secrétaire général du syndicat Synergie-Officiers, le questionnait: «Comment des policiers peuvent-ils être crédibles et incarner l’autorité quand, à leur simple vue, les caïds du quartier, forts de leur sentiment d’impunité, les insultent et les agressent physiquement tout en revenant pérorer et bomber le torse le lendemain? Ce sont eux l’incarnation de l’autorité dans les cités. Nous le redeviendrons uniquement si toute la chaîne pénale fonctionne et que les magistrats cessent de simplement «dire le droit» sans s’imprégner des réalités locales. Il suffit souvent d’emprisonner les éléments les plus violents pour apaiser un quartier. C’est une dimension qui échappe trop souvent lors d’un jugement.»

 

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