Récemment, la marque « Ventes privées », dont le siège est situé en Seine-Saint-Denis, a communiqué à ses équipes un guide très particulier. Elle y indique les « réflexes sécurité à adopter pour les déplacements du quotidien ».
Dans le document, qui a fait le buzz sur les réseaux sociaux, la boutique aux prix discount conseille à ses employés et à ses clients de « préparer ses déplacements à l’avance » en n’hésitant pas « à attendre ses collègues pour prendre le métro ou le RER ». Elle les incite aussi à « ranger sacs, chaussures et objets de valeur » tout en préférant le port de « chaussures confortables pour les déplacements ». La marque conseille enfin de « marcher d’un pas ferme et assuré dans la rue, pour éviter d’avoir l’air perdu ou hésitant » afin de rester « présent mais anonyme ».
Ce guide a provoqué un tollé sur les réseaux sociaux : les internautes ont, en effet, été très surpris que la marque elle-même conseille ses clients et employés en matière de sécurité, dans l’espace public, mais aussi dans les transports en commun.
La véritable question qui se pose est : pourquoi l’a-t-elle fait et comment en est-on arrivé au point où les entreprises privées mettent en garde contre l’insécurité ?
Nous pouvons y voir un lien direct avec la localisation de l’entreprise, en Seine-Saint-Denis, un département connu pour sa basilique abritant les Grands Rois de France, mais aussi, et surtout, pour son insécurité…
La Seine-Saint-Denis : la « Silicon Valley à la française » ?
Le 15 septembre 2017 le président de la République a comparé le département du 93 à la Silicon Valley, connue pour être le pôle des industries de pointe aux États-Unis. Il ajouta même « il ne manque que la mer pour faire la Californie ».
Cette audacieuse comparaison n’est pourtant pas anodine.
La Seine-Saint-Denis est l’un des départements pour lequel l’État est le plus généreux. Il est, en effet, au cœur d’une vague exceptionnelle de grands chantiers appelés à poursuivre le développement du territoire. Le montant de ces travaux est estimé à 20 milliards d’euros.
Aussi, pour pallier le taux de chômage important dans le département, qui s’élève à 18% contre une moyenne nationale de 8% en 2019, l’État investit généreusement dans le département dans l’espoir de redynamiser le territoire, d’améliorer les infrastructures et le niveau de vie. À titre de comparaison, le taux de chômage dans la « vraie » Silicon Valley avoisine les 3%.
Par ailleurs, si l’on s’intéresse à l’examen des flux domicile-travail du département en 2015, il a été calculé que 280 000 actifs travaillant en Seine-Saint-Denis résidaient dans un autre département (soit 43 % des emplois du département). Cette statistique révèle une chose : les individus travaillant dans le 93 préfèrent, à 43%, habiter ailleurs que dans ce département dès lors qu’ils ont le choix de le faire. Ainsi, pour ces employés en Seine-Saint-Denis, il est préférable de prendre les transports ou la voiture plutôt que d’habiter dans le département de l’insécurité…
Alors, Monsieur le Président, le 93 est-il toujours notre Silicon Valley made in France ?
La Seine-Saint-Denis : la Chicago à la française …
Plutôt que de comparer notre département français à la Silicon Valley, il conviendrait de faire le parallèle plus cohérent et sincère avec la ville de Chicago, bien connue pour son insécurité et sa forte criminalité.
Chicago est classée 7ème ville la plus criminelle sur les 59 plus grandes villes des États-Unis selon la plateforme en ligne Numbéo. Étonnamment (ou pas) le 93 est lui aussi dans les premiers départements les plus dangereux de France. En effet, selon un rapport du ministère de l’Intérieur sur la délinquance en France en 2021, on apprend (ou pas) que le département d’Île-de-France détient tous les records en termes de violence et de délinquance. On y dénombre pas moins de 7 cas de coups et blessures volontaires pour 1 000 habitants, alors que la moyenne nationale se situe autour de 4. En ce qui concerne les vols avec violence sans arme, le département compte 4,5 cas pour 1 000 habitants, là où en France la moyenne est de moins de 1 cas pour le même nombre d’habitants.
D’ailleurs, récemment, la Seine-Saint-Denis a fait parler d’elle sur la scène internationale.
Le département a eu la chance d’accueillir, en son stade-phare, la finale de la Ligue des Champions opposant l’équipe espagnole du Real Madrid aux anglais de Liverpool. Cette chance a pourtant tourné au désastre : les spectateurs anglais venus pour encourager leur équipe ont été filmés en train de se faire gazer, attaquer, par des policiers sous l’ordre du Préfet et surtout dépouillés, voire violentés à l’extérieur du stade, par des voyous. Dans le même temps, des individus ne possédant pas de billets se sont infiltrés dans le stade pour assister illégalement au match. Le tout en se filmant et en provoquant « certains ont payé leur billet 5 000 euros, moi c’est gratuit, je vais niquer la France ».
Pourtant, avant le jour du grand match, le célèbre footballeur Thierry Henry nous avertissait « le Stade est à Saint-Denis. Ce n’est pas Paris. C’est très proche mais croyez-moi, vous ne voulez pas être à Saint-Denis ». En effet, la situation était prévisible, il nous avait prévenu, nous aurions dû anticiper, ou tout du moins dénoncer et s’excuser auprès des victimes innocentes.
Pour autant, les choses ne se sont pas passées ainsi. Ce chaos généralisé ne s’est pas apaisé suite à la déclaration du ministre de l’Intérieur qui accuse les supporters anglais d’être les responsables de son propre échec – et de celui du Préfet – en termes de sécurité et de bonne tenue des événements.
Alors, au regard de cette actualité, la crainte paraît justifiée concernant le bon déroulement des Jeux Olympiques prévus en 2024, se déroulant en majorité dans le 93.
La Seine-Saint-Denis : toujours la France ?
En effet, pour Thierry Henry, la Seine-Saint-Denis n’est pas Paris pour la simple et bonne raison que la population dans ce département change de visage…
Une singularité démographique le caractérise : la proportion élevée de résidents étrangers. Selon le dernier recensement de 2015, dans le département, 23,2 % de sa population était de nationalité étrangère, contre 6,5 % en France métropolitaine. En 2018, on y dénombre plus de 400 000 habitants d’origine étrangère, soit 24,5%, chiffre qui est en constante augmentation depuis des décennies. Le nombre de personnes en situation irrégulière est également au centre des préoccupations: selon un rapport parlementaire, ils seraient entre 150 000 et 250 000 rien que dans le département !
En outre, la situation est si critique dans ce département perdu de la République, que sept quartiers vont faire « l’objet d’une attention particulière », selon le ministre de l’Intérieur. En conséquence, le gouvernement y a ouvert la première « cellule de lutte contre l’islamisme et le repli communautaire » en février dernier suite à la fermeture forcée d’une quinzaine d’établissements suspects en 2018. Il s’agissait, entre autres, d’une école clandestine musulmane, de quatre mosquées, de salles de sport ou d’établissements de restauration.
Malgré tout ces éléments, malgré l’immensité du chantier à réaliser pour réellement redynamiser le département, pour réparer la mauvaise réputation sécuritaire qu’est la sienne, pour faire de lui un lieu sûr dans lequel les individus ne craignent plus d’habiter, le gouvernement reste confiant : Christophe Castaner nous assurait que les quartiers en difficulté dans le 93 vont bénéficier d’une politique de la ville et de la rénovation urbaine pour favoriser la mixité sociale.
Quant à nous, il ne nous restera plus qu’à appliquer à la lettre les consignes du guide de Ventes Privées ! N’oubliez pas : dans le 93, marchez d’un pas « ferme et assuré » !