Le mois d’août approche à grands pas. Les départs en vacances, comme chaque année, seront nombreux. Les domiciles se vident… Et les squatteurs sont à l’affût !
En effet, c’est durant l’été que le phénomène du « squat » se fait le plus régulier. Cette situation est « courante, surtout en périodes de vacances, durant lesquelles des logements peuvent rester vides », constate Karine Altmann, avocate au barreau de Paris.
Dans la presse, les témoignages de victimes de squats ne manquent pas : les propriétaires ont le sentiment d’être abandonnés, ils ont l’impression de se noyer dans les démarches administratives et judiciaires pour faire cesser cette atteinte grave à leur propriété.
Alors, pour mieux comprendre l’articulation entre les différentes procédures envisageables pour le propriétaire, faisons un point sur ce que dit la loi.
Avant toute chose, il est nécessaire de définir ce qu’est exactement le squat. Le squat désigne l’occupation d’un lieu destiné à l’habitation dans lequel une ou plusieurs personnes se sont introduites, le plus souvent par effraction (bris de porte ou volet…). Les squatteurs occupent donc illégalement un logement (ou local) vide, voire le domicile d’un citoyen contre son gré. Il s’agit d’occupants sans droit ni titre.
L’interdiction du squat se fonde sur deux principes juridiques.
Le droit à la propriété d’abord, qui est un droit inaliénable, est inscrit dans la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen, garanti constitutionnellement. Il correspond au droit de jouir et de disposer des choses que l’on possède, de la manière la plus absolue (article 544 du Code civil).
Le droit au logement enfin, qui est un droit constitutionnel. Il est réaffirmé par la loi Besson de 1990 qui dispose « Garantir le droit au logement constitue un devoir de solidarité pour l’ensemble de la nation. »
Cette protection multiple du logement témoigne de l’importance de la propriété privée, notamment en France, pays de propriétaires, et donc de la nécessité d’interdire, de sanctionner, toute violation de cette dernière.
Deux procédures possibles pour le propriétaire …
Dans le cas d’un squat, deux procédures peuvent être déclenchées par le propriétaire : l’une pénale, l’autre administrative.
Dans le premier cas, le propriétaire peut déposer une plainte au commissariat pour violation de domicile. Après l’apport de documents attestant que le domicile squatté est bien le sien, c’est l’officier de police judiciaire qui pourra constater l’occupation illégale du logement pour pouvoir procéder à l’expulsion des squatteurs le plus rapidement possible. Cette situation est régie par le Code pénal, notamment par son article 226-4.
Dans le second cas, si cette première procédure n’aboutit pas, le propriétaire peut directement se rendre en préfecture et demander au préfet d’adresser aux occupants de la résidence squattée une mise en demeure de quitter les lieux. Si la mise en demeure n’est pas respectée par les occupants du domicile, le préfet devra procéder à l’évacuation forcée des lieux avec l’aide des forces publiques et d’un serrurier. Cette situation est régie par l’article 38 de la loi DALO (Droit au logement opposable).
Des problématiques multiples pour le propriétaire…
Dès lors, plusieurs problématiques se posent.
Sur le plan pénal, c’est l’article 226-4 du Code pénal qui régit le régime juridique du squat. Le Code émet une distinction claire entre l’introduction dans le domicile et le maintien dans celui-ci.
En ce qui concerne l’introduction dans le domicile, depuis une réforme de 2015, celle-ci doit être réalisée dans des conditions bien précises, c’est-à-dire réalisée par le biais de « manœuvres, de menaces, de voies de fait ou de contraintes ». Avant 2015, pour que l’introduction soit caractérisée, de tels critères n’étaient pas pris en compte.
S’agissant du maintien, depuis cette même réforme, il doit être continu, notamment pour permettre l’intervention des forces de l’ordre. Pour autant, contrairement au régime antérieur, il ne doit plus être commis par le biais de « manœuvres, de menaces ou de voies de fait » : désormais, le seul maintien continu suffit à constater l’infraction. Le délit de « squattage » devient alors plus facilement caractérisable.
La problématique ici concerne l’introduction licite du domicile. Au regard de ce nouvel article 226-4, un maintien illicite faisant suite à une introduction licite ne peut faire l’objet de poursuites, ce qui limite alors dramatiquement les cas de reconnaissance de squat. A titre d’exemple, imaginons que vous invitiez un ami chez vous et qu’il refuse de partir. En l’état du droit actuel, l’introduction dans le domicile est licite (ici, il est invité) pourtant, le maintien n’est pas licite car ce dernier use de la menace pour rester chez vous. Dans cette situation, vous ne pourrez pas faire application de l’article 226-4 du Code pénal, donc vous ne pourrez pas engager de poursuite contre lui.
Par ailleurs, l’article 38 de la loi DALO, issu d’une loi récente de 2020 dite « ASAP » (droit au logement opposable) régit aussi le régime du squat. Cette loi semble en effet entrer en contradiction avec l’article précédemment cité du Code pénal. Tout d’abord le maintien et l’introduction ne sont pas spécifiquement abordés et définis.
Ensuite, la loi DALO dispose que le maintien ET l’introduction doivent être réalisés à l’aide de « manœuvres, de menaces, de voies de fait ou de contraintes », contrairement au code pénal qui oblige seulement que le maintien dans le domicile soit dans de telles conditions.
Alors, une procédure d’expulsion est difficile à mettre en œuvre.
Enfin, ce même article 38 impose le dépôt de plainte pour violation de domicile avant l’intervention du préfet qui prononce l’expulsion. Pourtant, le Code pénal considère qu’il n’ y a pas (comme expliqué ci dessus) de délit d’infraction lorsqu’une introduction est réalisée de manière licite, et ce, même si le maintien est illicite. De son côté, le DALO impose que les deux, c’est-à-dire l’introduction ET le maintien dans le domicile, soient effectués dans par le biais de « manœuvres, menaces, voies de faits ou de contrainte ». Alors, si l’introduction est licite mais le maintien non, ni le délit de violation de domicile ni l’article 38 ne peuvent trouver à s’appliquer en l’espèce.
Pour pallier ces situations de carences et de contradictions légales, laissant ainsi souvent les propriétaires dans l’incompréhension et le désarroi, l’intervention du législateur est nécessaire.
Il s’agirait que le législateur réforme le délit de violation de domicile, afin de prendre en compte toutes les possibilités d’introduction dans le domicile (licites ou non), et toutes celles de maintien dans le domicile (licites ou non). Ainsi, de cette façon, l’introduction licite précédant un maintien illicite pourra être reconnue et sanctionnée, et pourra faire l’objet de l’intervention du préfet après le dépôt de plainte du propriétaire.
De manière générale une meilleure reconnaissance du squat, qu’il s’agisse de l’introduction ou du maintien, serait la bienvenue. La situation dans laquelle se trouve le propriétaire du domicile ne doit pas perdurer et ce, que l’introduction soit licite ou non.
Par conséquent, il est urgent d’élargir le régime juridique du squat afin de protéger le propriétaire et faire cesser le plus rapidement et le plus souvent possible cette situation illégale.