Extrait de l’entretien avec Me Guillaume Jeanson :
Atlantico : Quelles sont les mesures proposées par le texte qui permettraient un traitement efficace de la situation, et celles qui pourraient être contestées?
Me Guillaume Jeanson : En répondant à votre première question, j’ai déjà exposé toutes les mesures proposées par ce texte qui me paraissent contestables et dont certaines ont d’ailleurs été contestées également par la commission des lois de l’Assemblée nationale. Dans ce texte, tout n’est pourtant pas à jeter pour autant. L’autre volet important -et qui cette fois présente une certaine utilité- est sans doute l’extension de la peine complémentaire d’interdiction de manifester. Entendons-nous bien, il s’agit cette fois d’une peine prononcée par un juge et non d’une faculté arbitraire dont serait investi l’exécutif par le biais du préfet.
Cette peine complémentaire d’interdiction de participer à des manifestations sur la voie publique a été instaurée par la loi du 21 janvier 1995 et est inscrite à l’article L. 211-13 du code de la sécurité intérieure par l’ordonnance du 12 mars 2012. Le Conseil constitutionnel a pu se prononcer sur sa constitutionalité par une décision du 18 janvier 1995. Il a alors considéré que cette peine complémentaire ne méconnaissait pas les exigences constitutionnelles de la liberté individuelle, de la liberté d’aller et de venir et du droit d’expression collective des idées et des opinions au motif que « l’interdiction de manifester prévue par le législateur pour une durée maximum de trois ans est limitée à des lieux fixés par la décision de condamnation ».
La proposition de loi anti-casseurs ajoutait à ce dispositif une obligation de pointage. Une obligation qui vient toutefois d’être supprimée par la commission des lois de l’assemblée nationale. Le texte étendait ensuite le champ d’application de cette peine complémentaire à cinq infractions : le fait de tracer des inscriptions, signes ou dessins sans autorisation sur des façades, véhicules, voies publiques ou sur le mobilier urbain ; la participation à un groupe violent ; la participation délictueuse à une manifestation illicite sur la voie publique ; le nouveau délit de dissimulation du visage pendant une manifestation; et enfin les délits d’introduction ou de port d’arme ou de tout objet susceptible de constituer une arme par destination, y compris des fusées et artifices, et de jet de projectile présentant un danger pour la sécurité des personnes dans une manifestation sur la voie publique. La commission a supprimé l’extension de cette peine complémentaire aux simples tags mais a conservé tout le reste. Si ce texte est voté en séance plénière, le juge disposera donc d’une marge de manœuvre considérablement accrue pour prononcer cette peine complémentaire et éloigner ainsi des manifestations à venir, les personnes qui auront préalablement été reconnues par ses soins coupables d’actes suffisamment graves pour le justifier